Ganjasaurus Rex

Genre : hallucination collective

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Rien que le titre, déjà, est irrésistible. Oui, c’est bien ce que vous croyez : c’est l’histoire d’un tyrannosaurus rex mutant, qui ne se nourrit que de ganja, c’est-à-dire, pour ceux qui n’aiment pas le reggae, de marijuana.

Le film se passe en Californie. Il a été tourné en Californie, et il n’est probablement sorti qu’en Californie, directement en vidéo. (cherchez pas la cassette, surtout.) D’ailleurs, il a aussi été filmé en vidéo, avec le camescope de la grand-tante du metteur en scène, qui a engagé d’autres membres de sa famille et ses amis proches comme acteurs. Je plaisante : je n’ai pas la moindre idée de l’identité des gens ayant participé à ce film, mais c’est très nettement l’impression qui se dégage à sa vision.

Scénario : quelques hippies sur le retour vivent dans une région peu peuplée de Californie, où ils font pousser de l’herbe à tire-larigot. Jusque-là, rien que de très normal. Une des filles, ex-biologiste fuyant la folie de la vie urbaine, a réussi à faire muter des graines de marijuana pour leur donner à peu près la taille d’une noix de coco, si bien qu’on en espère des plants aussi immenses que des séquoias. Ce sont les gentils.

De l’autre côté, on trouve une organisation officielle, évidemment chapeautée par d’hypocrites grands industriels et politiciens, dont la raison d’être est de faire cesser les activités des ignobles cultivateurs de drogue qui minent notre belle jeunesse et font chuter les ventes de pinard.

Au milieu de tout ça, alors que les plants d’herbe ont grandi (mais on ne nous les montre pas : avec un camescope, vous pensez) et sont sur le point d’être découverts et brûlés par les méchants, ne voilà-t-il pas que se réveille au fond de l’océan le dernier représentant d’une race de dinosaures herbivores, dont l’unique nourriture est, donc, le cannabis. Attiré par l’odeur des plants géants, notre animal débarque en Californie et, en vertu d’une vieille tradition datant au moins du premier Godzilla, commence à tout saccager sur son passage. Il met alors en branle un affrontement de premier ordre : les méchants veulent le détruire, parce que quand un monstre casse tout, on lui balance une bombe atomique, on a toujours fait ça, on va pas se mettre à innover. Les gentils, eux, se sentent proches de celui qu’ils appellent affectueusement « Rex », en raison de leurs goûts communs, et sont par ailleurs vaguement écolos, comme tous les hippies sur le retour. Grâce à un professeur idéaliste, qui voit en Rex le dernier survivant de la préhistoire, à préserver absolument, ils réussiront à entraîner à nouveau le monstre en pleine mer, le mettant hors de portée des vilains militaires et autres hommes politiques.

Certes, Ganjasaurus Rex ne brille pas par ses effets spéciaux. Rex est une sorte de Godzilla en pâte à modeler, dont les mouvements et les expressions se résument au minimum vital, et chacune de ses apparitions menace grandement une crédibilité déjà incertaine. Cela dit, les auteurs ont respecté un des commandements principaux de la série Z : « Quand un monstre raté tu auras, le moins possible le montreras ». Pour peu qu’on cligne des yeux au mauvais moment, on risque bien de rater le dino. En dehors de son côté fauché, c’est cependant un film très sympathique et très rigolo. Bien sûr, l’humour a surtout trait à la fumette, mais les acteurs, quoique amateurs, sont plutôt bons, et l’ensemble se laisse regarder agréablement. Dans la meilleure scène, certains des cultivateurs, alors qu’une partie de leur récolte saisie par la police est brûlée selon les lois en vigueur, s’approchent mine de rien de l’énorme brasier pour en humer la fumée qui rend bête, pendant qu’un journaliste demande : « Combien de plants êtes-vous en train de brûler ? ». « Hem… trois, » répond le policier chargé de l’opération. A ranger sur la même étagère que le "Up in Smoke" de Cheech & Chong.

Retour à la page BIS