The Monster That Challenged the World

Genre : escargot tueur !

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

The Monster that Challenged the World ! Le Monstre qui défia le monde ! Avouez que cela sonne mieux que Attack of the Giant Killer Snails, titre dont il aurait pu légitimement s'orner. Qui voudrait aller au cinéma pour frémir devant des petits gris, même gigantesques ? Autant rentrer dans sa coquille...

Tout commence par quelques explications, lors d'une introduction qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un documentaire. La sempiternelle voix off nous annonce qu'une base d'essai militaire teste des parachutes au-dessus du lac Salton - un immense lac d'eau salé au Sud de la Californie - au-dessus duquel, bien évidemment, sont largués les joyeux testeurs. Nous apprenons en outre qu'un très récent séisme a ébranlé les environs. Voilà, le décor est planté.

Donc, comme l'on s'en doute, un brave parachutiste fait plouf dans le lac. Quand les deux marins dédiés à la récupération viennent le chercher, ils ne retrouvent que la toile flottant à la surface. L'un plonge, et disparaît à son tour. Le second voit une ombre fondre sur lui...

Comme les récupérateurs ne répondent pas à la radio, une équipe de secours est envoyée, comprenant une sommité des services secrets navals (on ne comprend d'ailleurs pas la raison de sa présence pour une simple disparition), Tim Holt, lequel a bien engraissé depuis ses westerns. Ils ne trouvent que le bateau et un cadavre. Tim constate aussi la présence d'une matière gluante et blanchâtre sur le bord du bateau (il s'en tartine même les mains, le sagouin). Puis le cadavre du parachutiste remonte à la surface, horriblement ratatiné.

Les deux corps sont amenés à la morgue : d'après le légiste, le marin est littéralement mort de peur, tandis que le parachutiste a été vidé de tout son sang et de son eau ! Tim se rend ensuite chez le scientifique de la base, interprété par ce bon vieil Hans Conried, pour qu'il analyse le truc gluant. Au passage, il en profite pour faire la connaissance de sa charmante secrétaire, Audrey Dalton, et de la petite fille de celle-ci. Un assistant, par hasard, découvre que le truc est non seulement répugnant, mais aussi radioactif (ça nous manquait, effectivement, un film de SF des fifties sans mention de radioactivité).

La quarantaine est alors décrétée sur tout le lac, avec interdiction de se baigner. Mais un jeune couple insouciant (dont une superbe brunette évoquant la plastique de Brigitte Bardot) brave l'interdit et va batifoler dans la flotte. Bien sûr, mal leur en prend. Le garçon disparaît, puis c'est au tour de la charmante naïade d'être attirée dans les profondeurs par une créature invisible. Le lendemain matin, les vêtements des deux jeunes gens sont retrouvés, et Tim remarque sur un rocher, à plusieurs mètres du bord de l'eau, la même matière gluante. Comment a-t-elle pu être déposée là alors que le monstre semble être resté en pleine mer, mystère... Ou CDLS.

N'écoutant que leur courage, qui a ouvert de façon peu opportune sa gueule, nos enquêteurs décident d'explorer le lac avec des tenues de plongée. Les deux assistants de Hans Conried inspectent le fond du lac et découvrent avec stupeur que la profondeur, habituellement de dix mètres, est passée à plus de trente mètres suite au tremblement de terre. Ils entrent dans une grotte inconnue et trouvent une sorte d'énorme ballon blanchâtre, presque transparent, qu'ils font remonter jusqu'au bateau. Au moment où l'objet est hissé, le propriétaire des lieux, qui était caché dans une anfractuosité du rocher, apparaît : tout ce qu'on voit de lui ressemble à une énorme chenille à carapace chitineuse, avec de gros yeux blanchâtres, des mandibules et des pattes atrophiées quoique puissante. Manifestant des goûts que les gens bien pensants qualifieraient de contre-nature, la bestiole attaque l'un des plongeurs, tandis que l'autre remonte en catastrophe.

Le rescapé, à bord du bateau, a à peine le temps de raconter qu'ils ont été agressés par un machin-truc-chouette pas définissable mais achtement agressif, que le bestiau surgit alors de l'eau, avec l'air pas commode du gars auquel on vient de piquer sa bagnole. Là, une question me vient : comment fait-elle pour se dresser hors de l'eau de plusieurs mètres, alors que le fond dépasse déjà la trentaine de mètres. S'agirait-il d'une chenille hyper-longue d'une cinquantaine de mètres, prenant appui sur le fond ? La suite nous prouvera que non, alors re-CDLS. Faut dire, si elle était restée au fond à faire des bulles, les gars du bateau ne se seraient sentis guère menacés. Bon, alors, comme elle s'approche dangereusement d'eux, Tim prend une gaffe et, au lieu d'en faire une (de gaffe), lui crêve assez méchamment un oeil. Le bestiau se tire sans faire kaï-kaï, même s'il y avait droit.

Commence alors la longue scène de laboratoire et d'explications scientifiques à laquelle sacrifiaient, en leur milieu, tous les films SF de l'époque. Ici, Hans Conried nous explique tout sur le monstre : sa biographie, ses origines, ses goûts culinaires, ses habitudes sexuelles, ses convictions politiques et religieuses, son cursus universitaire, et tout et tout... Il est juste de préciser que les militaires ont fait d'autres fouilles dans le lac et ont fait exploser la grotte où les plongeurs avaient trouvé l'oeuf. Car, oui, c'est un oeuf (et comme c'était un oeuf immergé, c'était l'oeuf de coulons !)

Donc, nous apprenons que la bêbête est un mollusque, et le professeur nous montre sur un écran de télévision un documentaire sur les... escargots ! Il enfonce le clou en montrant en gros plan la tête d'un de ces braves gastéropodes, sans yeux et munies de cornes, et en affirmant : vous remarquerez la ressemblance avec le monstre ! Stupeur incrédule du spectateur, qui n'a jamais vu deux têtes aussi différentes... Là, c'est du CDLS en béton armé. Nous apprenons en outre que le bestiau serait d'origine préhistorique et qu'il serait apparenté au... Kraken (ben tiens !) Des oeufs seraient restés intacts dans une poche hermétique sous le lac et, après le séisme, cette poche aurait été alors en contact avec l'eau du lac ; la radioactivité (on se demande bien ce qu'elle fout là, celle-là, mais CDLS encore) aurait alors accéléré l'éclosion et la croissance des monstres.

Toujours au rayon des nouvelles connaissances (une vraie leçon d'histoire naturelle, ce film), Conried nous affirme que ces escargots aspirent le sang de leur victime grâce à leur sucoir (rigoureusement absent du monstre tel qu'on l'a vu) et ont un taux de fécondité phénoménal. S'il reste une de ces bestioles et si elle réussit à gagner les canaux - fort nombreux - qui sillonnent cette région de la Californie, sa progéniture pourrait bientôt infester toutes les voies d'eau et constituer un danger mortel pour l'humanité (si si, puisqu'on vous le dit !) Par ailleurs, il a installé l'oeuf péché dans un gros réservoir où, par transparence, on peut voir une version ratatinée de la tête du monstre. Il nous assure du reste que la bestiole n'éclora pas tant que la température, assurée par une machine, restera assez froide (retenez bien ça, ça va resservir comme vous vous en doutez...)

Reste-t-il des monstres, je vous le demande ? Oui, évidemment ! Un couple est ainsi agressé sur une route, près d'un canal. Puis un éclusier, qui venait de signaler que tout était tranquille, est lui aussi victime de la voracité des escargots. Comment faire pour stopper les monstres et endiguer leur prolifération ? La réponse vient d'un archiviste local, qui a retrouvé une vieille carte qui indique de quelle façon les canaux sont raccordés. Partant de là, nos héros réussit à retrouver l'endroit où sont massés les quelques escargots survivants.

Comme il manque certainement de plongeurs professionnels en Californie, ce sont Tim et l'autre assistant du professeur qui plongent pour poser des explosifs. Nous apercevons enfin les fameuses coquilles qui ont rendu célèbres toutes les races d'escargots : d'ailleurs, bizarrement, nous ne voyons qu'elles, car la partie chenille s'est recroquevillée à l'intérieur pour faire un somme (en plein jour, contrairement à leurs autres apparitions où elles semblaient plutôt diurnes) - ce qui nous laisse penser que les éclusiers doivent être plutôt difficiles à digérer. Comme l'un des détonateurs rate, l'assistant reste en plongée plus que de raison, et serait bouffé sans l'intervention de Tim - là, on peut se demander comment Conried a mesuré avec autant de précision la durée d'assoupissement des animaux, mais CDLS encore. Bon, toutes les coquilles finissent par exploser, le danger est écarté. C'est du gachis, me direz-vous, mais imaginez le nombre de tonnes de beurre aillé et persillé qu'il aurait fallu pour tous les cuisiner !

Le film est fini ? Non ! Car Audrey Dalton et sa petite fille sont seules au labo. Comme la fillette s'ennuie, elle est allée voir ses amis les lapins et, trouvant qu'il faisait trop froid pour eux, elle a monté le chauffage... dans la même pièce que le réservoir à oeuf. C'est bien une des scènes visant à amener le danger les plus ridicules que j'ai vues dans mon existence de nanarophile... Chapeau bas au scénariste...

Il se passe ce qui devait arriver : l'escargot éclot et grandit en un temps record et, baguenaudant dans le labo, agresse les deux femmes. Celles-ci se réfugient dans un cagibi ; peine perdue, la chenille à coquille commence à percer la porte avec ses mandibules. Heureusement, Tim Holt et Hans Conried rentrent à la maison après leur dur labeur. Entendant du bruit, ils se ruent dans le laboratoire pour voir... un monstre s'attaquer à la porte... Tim, courageux, balance au bestiau tout ce qui lui tombe sous la main pour attirer son attention, puis, pris d'une idée géniale (hum !), commence à l'arroser avec la neige carbonique d'un extincteur (fallait y penser) ! Profitant du fait que son adversaire est en pleine « soirée mousse », il crie aux deux femmes de s'échapper, ce qu'elles font avec promptitude.

Disons le tout net, la mousse d'extincteur ne paraît faire grand mal à la bestiole, ce dont on se doutait un peu. Avisant un tuyau branché au sol, Tim l'arrache à main nue et dirige le jet de vapeur qui en sort sur l'ennemi (heureusement qu'il avait l'extincteur et le tuyau à portée sinon, à court d'argument, il aurait fini par pisser dessus). On est en droit de s'étonner de la présence d'une canalisation de vapeur à un endroit aussi opportun, et sur le fait que Holt arrive à le tenir avec ses mimines... CDLS. Le monstre, cette fois-ci incommodé et peu pressé de finir en dim-sum, tente de s'échapper par la verrière du plafond (notons que, pendant toute la scène du labo, la caméra l'a cadré de manière à ce qu'on n'aperçoive jamais sa coquille, probablement pour économiser les SFX). Heureusement, des militaires surgissent, armés de fusils, et abattent le dernier des escargots-vampires géants.

Bras dessus, bras dessous, Tim, Audrey et la fillette vont déambuler en pleine rue, au mépris de la circulation des voitures (manquerait plus qu'ils se fassent écraser !)

Finalement, pour un film de monstre sans budget, aggravé par son postulat de transformer un banal escargot en terreur pour l'humanité, cette petite série B ne s'en sort pas trop mal, en dépit de la platrée de CDLS qui parsèment le scénario et quelques incohérences assez folkloriques. Lorsqu'on oublie sa coquille, le monstre version chenille est assez impressionnant. Quant aux acteurs, ils restent constamment crédibles (ils ont quelquefois du mérite), sans être géniaux. En voie d'être envahi par la graisse (pas encore antique, vu son âge), Tim Holt était en fin d'une carrière partagée entre les westerns de série B fauchés et les chefs d'oeuvre signés John Huston (« Le Trésor de la Sierra Madre »), Orson Wells (« La Splendeur des Amberson ») ou John Ford (« La Chevauchée fantastique »). Hans Conried, lui, paraissait beaucoup plus à son aise dans les rôles excentriques qu'il affectionnait, notamment son inoubliable Docteur T dans « Les Cinq mille doigts du docteur T ».

En tout cas, ce n'est pas ce film qui m'empêchera à l'avenir de remanger des escargots !

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