The wicker man

Genre : fallait osier...

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Aaaaaah ! Enfin !
D'abord, enfin, je l'ai vu.
Et puis enfin, surtout, je tombe sur un film qui a la réputation d'être un mini-classique négligé ET C'EST VRAI ! Pas une once d'exagération dans tout ce que vous pouvez lire d'élogieux sur cette oeuvre. Donc, on va pas s'attarder, vu qu'il n'y a pas grand-chose de rigolo à dire.

L'histoire est simple : attiré par une lettre anonyme, un policier débarque sur une île écossaise, Summerisle, pour enquêter sur la disparition d'une adolescente. Les habitants commencent par dire qu'ils ne connaissent pas cette dernière, mais il se rend vite compte qu'on lui ment. Peu à peu, il découvre l'existence d'un culte païen de la nature, dirigé par le Lord local lui-même (Un Christopher Lee encore jeune et échevelé) et commence à soupçonner que celle qu'il recherche, Reine de Mai de l'année précédente, va être sacrifiée aux dieux afin de les apaiser, car la dernière récolte a été désastreuse. Il s'avère qu'il n'en est rien. En revanche, le sacrifice aura bel et bien lieu, mais c'est notre policier lui-même qui en sera l'agneau : un Chrétien, limite fanatique même pour l'époque, et venu de son propre chef sur l'île, ainsi que l'exige la tradition (la lettre anonyme faisait bien entendu partie de la machination). En compagnie de quelques animaux innocents, il sera brûlé à l'intérieur du gigantesque homme d'osier du titre.

Ce qui est le plus remarquable, dans ce film, c'est la manière dont sont présentés les personnages. Le flic, bien qu'il ait un profil de héros, n'est finalement qu'une grenouille de bénitier pétrie d'intolérance et de contradictions (les quelques scènes où il tente de convaincre les autres de renoncer à leurs pratiques pour embrasser la "seule vraie foi" sont anthologiques. "Comment pouvez-vous croire à toutes ces sornettes, n'avez-vous jamais entendu parler de Jésus-Christ ?" s'exclame-t-il. Et Christopher Lee de lui répondre : "Qui était fils d'une vierge, laquelle avait été fécondée par un esprit, si je me souviens bien."). A côté de ça, les insulaires, quoique indéniablement païens et n'hésitant pas à l'occasion devant le sacrifice humain (quoique seulement quand c'est nécessaire), sont plutôt sympathiques. A aucun moment, on n'a l'impression d'avoir affaire à d'inquiétants adorateurs de sinistres divinités, ni même à des fous. Ce sont tout simplement des villageois normaux, emplis de joie de vivre, et vivant en communion avec la nature. Même Lee, qui tenait pourtant là l'occasion de nous refaire son éternel numéro d'aristocrate perverti, nous la joue plutôt bon enfant, gentleman farmer aimé de ses "sujets". A la fin, tandis que le bûcher se consume, tous nos villageois le regardent en souriant et en chantant une chanson folklorique, dans le plus pur style patronage (païen, certes, mais tout de même).
J'imagine que ce renversement des valeurs traditionnelles a dû faire grincer quelques dents à l'époque. Bon, soyons honnête, ils sont assez effrayants, quand même, les païens, justement parce qu'ils sont tellement "normaux" en apparence, et que leur foi aveugle en leurs dieux leur permet d'assassiner sans le moindre remord. En fait, tout le monde est un peu renvoyé dos à dos.

Au-delà du scénario, The Wicker Man bénéficie d'une mise en scène très efficace, d'une interprétation parfaitement correcte (bon, Britt Ekland, qui joue la fille de l'aubergiste, laquelle tente sans succès de corrompre le chaste policier par une mémorable danse dans le plus simple appareil, n'a jamais fait trembler qui que ce soit avant la cérémonie des Oscars, mais elle n'est pas nulle non plus et elle est indéniablement gironde), parfois brillante (Lee est impayable, et Edward Woodward, qui joue le policier, compose un personnage de pompeux amidonné réjouissant, tout en réussissant à rester assez sympathique). Par ailleurs, les images regorgent de trouvailles décalées, parfois hallucinantes (je recommande l'échoppe du pharmacien), qui font presque songer à du Bunuel ou à du Fellini.
Enfin, il y a la musique, omniprésente, au point qu'à certains moments, on se croirait presque dans une comédie musicale. Mais ça n'est pas gênant. Bien qu'il s'agisse de chansons folk dans l'ensemble guillerettes, elles s'intègrent parfaitement dans le film et contribuent par leur côté décalé, là encore, à la tension qui s'instaure dès les premières minutes et ne se relâche qu'à la fin.

Une anecdote (et une question, si quelqu'un a des lumières sur le sujet) : notre ami flic visite à un moment toutes les maisons du village et, dans celle de la bibliothécaire, surprend cette dernière (Ingrid Pitt) au bain pour un plan très bref. La baignoire, la posture, et bien sûr l'actrice sont identiques à celles de la scène de bain de the Vampire Lovers, au point que si on me disait qu'il s'agit d'une chute dudit film, ça ne m'étonnerait qu'à moitié, tiens. Faudrait revoir les deux à la suite.

Bref, si vous tombez sur une cassette de The Wicker Man, vous posez pas de question : foncez !

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