Dog Soldiers

Genre : ouaff... ouaff... grrrr... hahem...

Fiche technique

Revue : Philippe Heurtel

Alors voilà, six soldats britanniques – cinq petits jeunes et leur chef, un dur qui a fait la guerre du Koweït – sont envoyés pour un exercice de routine dans une contrée déserte de l'Ecosse. La forêt dans laquelle ils sont droppés est réputée pour ses disparitions inexpliquées de campeurs. Justement, nos six bidasses commencent par tomber sur un cadavre de vache, puis sur le campement d'un commando d'élite complètement décimé.

A l'exception de leur chef : terrorisé bien qu'il soit en temps ordinaire un dur à cuir, dans son délire il répète : « Il ne devait y en avoir qu'un » (tiens, ça me rappelle un autre film qui se déroule dans les Highlands...). La nuit tombe, et tout ce beau monde se voit attaqué par une horde de créatures puissantes et qui ne craignent pas les balles. Ils sont sauvés in extremis par une zoologiste qui étudie ces créatures et passait en voiture, et se réfugient dans une ferme dont les habitants ont disparu. Dans cette contrée déserte à 80 km à la ronde, les voilà assiégés par de féroces loups-garous...

Le thème du loup-garou est rarement abordé dans les œuvres de fiction, qu'il s'agisse de cinéma, de littérature, de bandes dessinées : à comparer au vampire, qui chaque année voit son lot d'incarnations, pour le meilleur comme pour le pire. A croire que le lycanthrope offre bien peu de possibilités. En tout cas, ce n’est pas ce Dog Soldier qui va améliorer les choses.

Ce film est dénué de la moindre idée neuve, ou même un tant soit peu intéressante. Il s’agit du énième film où un petit groupe se voit pris au piège dans un lieu isolé ou clos et menacé par une ou plusieurs bestioles quasi invincibles. Avec le plus grand sérieux, Neil Marshall enfile donc les clichés comme des perles, et au bout d’une heure cinquante, ça fait un sacré collier. Citons, en vrac : l’allumette qui ne s’allume pas au moment crucial ; la bestiole qui saute sur la voiture des fuyards et passe le bras à travers le toit pour les attraper ; le chien qui sauve le héros à la fin ; l ’opposition esprits rationnels / événements surnaturels ; le groupe qui se fait décimer sauf un seul qui survit à la fin. Tous les clichés, ou presque, y passent.

Pour isoler ses protagonistes, le réalisateur est obligé d’accumuler les astuces à un point peu vraisemblable : les deux radios des militaires ont été respectivement sabotée et saccagée, il n’y a pas de téléphone ni d’ habitation à 80 km à la ronde, et les loups-garous ont détruit la voiture de la zoologiste pour empêcher leur dîner de se faire la belle (c’est parce qu’ ils sont intelligents, nous apprend-on. Certes, mais alors pourquoi omettent-ils de détruire la voiture qui se trouve dans la grange et dont ils ont connaissance ?).

La « révélation » finale sur l’identité humaine des loups-garous ne devrait pas surprendre le spectateur doté d’un QI non négatif. Je reconnais avoir été surpris par le revirement final de l’un des personnages ; je n’en dirai pas plus au cas où vous auriez l’intention de voir tout de même ce film malgré mes conseils avisés ; toutefois, je ne suis pas convaincu que la logique soit parfaitement respectée.

Remuons le couteau dans la plaie, et parlons à présent des personnages. D’ abord, il y a ce bon vieux méchant militaire prêt à sacrifier tout le monde pour remplir sa mission, et qui n’a aucun respect pour ses hommes. En face, le bon sergent, un peu paternailste, qui sait se faire aimer et respecter par son unité. Là encore, les clichés sont accumulés jusqu’à la nausée : la conversation des bidasses tourne autour du foot, de la bière et des bougresses ; le sergent est un dur qui en a bavé ; on a d’ailleurs droit au récit de guerre (le Koweït, pour changer du Vietnam) dans lequel un bon p’ tit gars est mort sous ses yeux ; le chef en question se résigne à mourir car il connaissait les risques en signant (« I am a _professional_ soldier » s’exclame-t-il avec conviction) ; et bien sûr, il pleurera la perte d’un « soldat de valeur ». Bref, ça dégouline de testostérone de militaire par tous les pores. D’accord, je suis antimilitaristes, mais même sans cela, les personnages de militaires de ce film (soit la totalité du casting sauf la zoologiste) sont insupportables.

En bons personnages de nanar, ils n’omettent pas les comportements aberrants : quand vous voyez l’un des votres, blessé par un des monstres, se transformer sous vos yeux en loup-garou, vous le regardez sans rien faire ? Ben eux, oui ! Et cela ne leur servira pas de leçon : leur propre chef a également été grièvement blessé et se rétablit à vue d’œil, mais un seul réagira, au bout d’un temps invraisemblable.

La réalisation est très quelconque, mis à part... plusieurs plans caméra à l ’épaule au montage saccadé qui sont insupportables, et quelques scènes au ralenti plutôt ridicules tant elles sont clichéeuses. Les bestioles, pour le peu qu’on en voit, sont médiocres ; elles ne donnent pas du tout d’ impression de puissance. Deux ou trois plans assez marrants surgissent, oasis dans ce désert cinématographique (en les cumulant, ça fait dix secondes de bonheur, c’est peu). La fin est ridicule quand, n’ayant plus de munitions, les rescapés s’attaquent aux monstres à la boxe et à la poêle à frire (non, elle n’est pas en argent, la poêle à frire), et finalement s’en sortent mieux que lorsqu’ils étaient armés jusqu’aux dents de fusils d’ assauts et de grenades...

On s’attendrait à ce que pareille nullité soit dotée de très mauvais acteurs. Hé bien non ! Fort curieusement, les acteurs sont bons, sans exception (ils ne sont pas nombreux, certes). Ils interprètent fort bien et avec conviction leurs personnages, et si ces derniers sont insupportables, et leurs répliques médiocres, ce n’est pas leur faute mais celle du scénario.

Ca faisait longtemps que je n’avais rien vu d’aussi mauvais, en salle, j’ entends. Cette daube aurait dû passer directement en vidéo, voire directement à la poubelle. N'allez pas le voir : attendez que la vidéo sorte, et volez la.

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