Parts of the family

Genre : a table !

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Dans une quelconque ville belge (et même très quelconque, d'ailleurs), Jason Goodis (interprété par un acteur qui rappelle Geoffrey Lewis), un braqueur de banque, vient de rater son dernier casse et a abattu plusieurs personnes. Fuyant à pied, il est poursuivi par des voitures de police. Au moment d'être rejoint, il avise une grande et belle brunette (la délicieuse scandinave Cecilia Berqvist) qui venait de sortir d'une vieille et grande bâtisse, et la prend en otage. Sous la menace de son arme, il oblige la belle à l'accompagner dans sa maison. Là, il remarque avec étonnement que l'intérieur est totalement délabré, fort peu propice au logement.

Depuis une fenêtre, il dicte ses exigences, très classiques : une voiture pour le conduire à l'aéroport, et une place dans un avion. Il se comporte brutalement avec sa victime, mais il ignore que chaque coup qu'il lui porte fait revivre un douloureux passé à Ella (c'est son prénom). Voici quelques années, la maison était habitée par une famille, dont elle était la gouvernante. Tant le père, déjà vieux, que le fils obtenaient ses faveurs. Quand le vieillard, encore vert, découvrit que son rejeton couchait avec sa maîtresse, il rossa d'importance le fiston, puis les deux se battirent, roulant au sol. Ella voulut intervenir avec une hache qu'elle avait trouvée au mur, mais ne réussit qu'à la planter dans le dos du fils. Persévérante, elle s'empara d'une fourche (c'est fou ce qu'on trouve dans cette baraque) et embrocha le père. Puis, dégoulinante de sang, elle alla à la rencontre de la mère et de la fille qui venaient de rentrer. Vous devinez la suite...

Effectivement, en pourchassant Ella qui avait voulu fuir au grenier, Goodis remarque une hache sanglante, posée au mur. Puis, quand un tireur d'élite le rate en le blessant seulement au visage, il devient inquiet en voyant la fille se précipiter sur lui pour lui lécher son sang ! un peu plus tard, il entend du bruit dans le grenier et vide alors son chargeur à travers le plafond. Du sang goutte sur Ella qui, devenue folle, se rue à l'étage supérieur. Le criminel, qui l'a suivie, assiste alors à un spectacle qui l'écoeure : son otage est en train d'éventrer le corps encore d'un chaud d'un policier pour lui dévorer à belles dents ses entrailles !

Bon. A partir de maintenant ça devient franchement du " port nawak " puissance mille.

Ensanglantée par son en-cas improvisé, Ella se moque de Goodis et semble invoquer quelqu'un. Eh oui, car, du plancher (notons qu'on est au grenier !), fracassant le parquet en émettant de la fumée et des lumières, une sorte de momie pour le moins craspec surgit. Jugez de l'allure : des tâches innommables partout, une démarche de pochetron à 10 grammes d'alcool par litre de sang et une gueule tordue. Qui plus est, elle débande méchamment (entendez par-là que ses bandelettes ont une fâcheuse tendance à ne pas tenir en place).

L'intruse - on comprendra plus tard qu'il s'agit de la momie du père, ramenée à la vie on ne sait comment - avance vers Goodis avec des intentions belliqueuses, encouragée par Ella. Le braqueur a beau vider son chargeur dessus, le mort-vivant avance avec sa vitesse d'escargot rhumatisant et réussit à le mordre au cou, lui arrachant un beau morceau de barbaque. Goodis réussit à se dégager, et, réalisant que l'endroit est toujours cerné par les flics, descend se réfugier à la cave. Mal lui en prend car, caché derrière un faux mur, trois autres zombies tentent de s'emparer de lui. Le trio (la mère, le fils et la fille, évidemment) est encore plus ridicule que le père : non seulement leurs bandelettes se font la malle, mais ils portent par-dessus des loques représentant leurs anciennes frusques.

Goodis revient donc en trombe au rez-de-chaussée pour découvrir qu'un commando a pénétré dans les lieux. Sacré commando façon GIGN : trois hommes, dont deux ont enfilé des passe-montagnes en lieu et place de cagoules, alors que le troisième est nu-tête (dommage, car il a franchement une sale gueule). Le voleur tente de les avertir, mais ne récolte qu'une balle dans l'épaule...

Toute la famille-zombie surgit alors, toujours exhortée par Ella. Commence une foire d'empoigne entre les trois commandos et les quatre zombies, d'un si haut niveau de crédibilité que même le troisième assistant stagiaire de Max Pecas aurait fait mieux en matière de cascade. Comme il se doit, les trois balaises se font renverser par les zombies qui se mettent à les dévorer vivants. Et un petit morceau de joue pour papy, et un peu de tripes pour mamie, et un ch'ti égorgement pour fillette, etc.

Pendant que les quatre momies font bombance, Ella les supplie, un par un, de la mordre aussi pour lui accorder la vie éternelle (sic). Elle leur clame son envie de faire enfin partie de leur famille, après avoir réussi à les ressusciter et les avoir nourris d'hommes qu'elle ramenait à la maison régulièrement. Mais aucun zombie n'accède à sa demande (pourtant, moi, entre une ravissante suédoise et un militaire coriace, je n'hésiterais pas une seconde). De dépit, elle défonce la tête de zombie-papa avec une barre à mine, avant de regretter son geste. Les trois autres morts-vivants, qui doivent se dire que l'heure de l'apéro est révolue et qu'il est temps de passer à table, font mine de sortir. Ella tente de les en empêcher, mais elle est ceinturée par zombie-fiston qui la porte inconsciente dans la cave, pour la coucher à côté de Goodis, qui s'est réfugié là et a l'air un brin clamcé.

La famille-zombie, donc, amputée du père, sort dehors (pour des momies, c'est " bandes on the run ") et se collète avec quelques flics incrédules, dont le négociateur en chef (joué par Lloyd Kaufman, le patron de Troma). Nouvelle séance de lutte générale, encore plus grotesque que la précédente, qui voit encore la victoire des porteurs de bandelettes.

Notons tout de même une jolie touche d'humour : zombie-maman, qui avait été énuclée lors de sa mort par un talon-aiguille manié de main de maître, arrache l'oeil d'un des policiers et tente de se le coller sur l'orbite vide. Avec les bandes Velpeau cradingues qui cachent ses cheveux et l'énorme globe visqueux qui pendouille, on croirait voir, portrait craché, le Toxic Avenger.

Dans la cave, Goodis s'est réveillé, mais en zombie (on suppose donc que, comme chez Romero, la morsure est contagieuse). Il enferme Ella toujours dans les vapes en lui fourrant une grenade dégoupillée dans la bouche. Commence alors une scène des plus étranges. Il va chercher papa-zombie et le traîne dans le trou d'où il était sorti. Puis il va choper quelques tripes dans le bide ouvert d'un des commandos, les met sur une palette de peintre, et y rajoute son propre sang en s'entaillant le poignet. Avec ces peu ragoûtantes couleurs, il barbouille une toile et la pose sur le cadavre. Re-lumières, re-fumée, et zombie-papa ressuscite une nouvelle fois, infirmant donc la théorie Romero voulant qu'un mort-vivant au crâne éclaté ne soit plus qu'un morceau de bidoche avarié.

Ella n'est pas resté en reste. Elle a, Ella (" ce je ne sais quoi ", comme disait France Gall), réussi à se débarrasser de la grenade, et de la cave est remontée... très remontée. Elle commence par défoncer la tête aux trois zombies-commandos quoi gigotaient sur le sol comme des tortues à l'envers, puis part chercher Goodis. Elle a la surprise de trouver aussi papa-zombie, et les deux macchabées tentent de la prendre en sandwich (si si, je le jure, mais je ne suis pas sur qu'il faille y voir quelque intention salace). L'ancienne gouvernante a la réaction prompte : à coups de scies à métaux, de chalumeau et d'autres outils (c'est fou ce qu'on trouve dans cette pièce), elle élimine ses deux adversaires. Avec une perceuse, elle vient également à bout d'un zombie-flic qui s'était aventuré jusque là.

Fin de la bagarre. Ce que deviennent les deux autres (probables) zombies-flics et des rescapés de la famille zombie, on l'ignorera toujours.

Dernière image : Ella sort de la maison, cadenasse tout, puis entreprend visiblement de draguer le conducteur d'une voiture qui s'approche... Tout va-t-il recommencer ?

Pendant près de trois quarts d'heures, cet étrange film américano-belge qu'a déniché Uncut Movies (disponible donc en VHS) reste très classique et les seules séquences sanglantes restent les flash-backs d'Ella où on la voit trucider toute la famille. Toutes proportions gardées, cela évoque un peu les suspenses psychologiques en huis clos du Polanski d'antan, avec des personnages d'apparence lisse qui cachent en fait des fêlures irréparables, comme dans "Répulsion" ou "Le Locataire".

Tout se déchaîne réellement avec le premier festin anthropophagique, prélude à un déferlement d'ultra-gore limité par des maquillages assez médiocres (ça ne vaut pas "Prémutos"). Là, comme je l'ai dit, c'est du n'importe quoi, plus bordélique et invraisemblable que réellement amusant (le film étant produit par Troma, ce n'est guère étonnant). Ce joyeux foutoir est assez divertissant, mais il manque quand même d'originalité. En fait, le plus perturbant, après une première partie bien construite, ce sont toutes ces questions qui assaillent le spectateur sans qu'aucune ne reçoive jamais sa réponse. En voici quelques unes :

Bon, j'arrête, j'en aurais encore pour dix ans. Notons encore la présence parmi les acteurs de la scream-queen Debbie Rochon, habituée du Z, et d'Andreas Schnaas, réalisateur de la trilogie "Violent Shit" (où il interprétait lui-même le psychopathe Karl le boucher) et de "Démonium" (autre film proposé par Uncut Movies, à l'instar d' "Infantry of Doom", dernier des "Violent Shit").

Gentiment frappadingue, donc. Cet hymne à la famille (Ella veut désespérément appartenir à cette famille qu'elle a largement contribué à détruire, le terme " Parts " dans le titre faisant aussi bien allusion aux membres de la famille qu'à des " morceaux ") est à voir entre copains, en essayant de finir les pizzas pendant la première demi-heure, les yeux rivés sur la Suédoise, avant de passer aux choses sérieuses. A cet égard, les observateurs remarqueront que les entrailles ingurgitées ne sont guère crédibles, ressemblant plus à des chipolatas rabougries ou de l'étron de constipé chronique qu'à de la bonne tripe longue et molle. Amis de la poésie, à bientôt !

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