Sisters of death

Genre : et ta soeur ?

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Tourné en 1972 mais sorti seulement en 1978, ce film est doté d'une réputation déplorable. En ayant lu un tas de critiques défavorables, je me préparais déjà psychologiquement à l'exécuter sous vos yeux avec des raffinements de sadisme, et puis... ma foi... pas si mal. Interprétation et réalisation dignes d'une série télé de l'époque, c'est-à-dire compétentes, ni plus ni moins, et scénario vaguement plus subtil qu'il n'y paraît au premier abord.
Faut dire qu'au premier abord, il n'y paraît pas tellement. Tendance pas du tout.

Pré-générique : la chose se situe dans un milieu fort rarement exploré par les films d'horreur : une université américaine. Quatre étudiantes ont formé une société secrète, les Sisters, dont les but exacts ne nous sont jamais dévoilés, mais semblent essentiellement constituer une excuse pour porter de longues robes vaporeuses, des voiles, et pour psalmodier des conneries dans une espèce de crypte. Deux nouvelles adeptes sont sur le point d'être initiées, Judy et Elizabeth. L'initiation s'achève par l'épreuve du courage : ne pas broncher tandis qu'une des Sisters leur tire dans la tête avec un pistolet — une balle à blanc, bien sûr (ce qui soit dit en passant est très con, vu qu'à bout portant et dans la tête, ça tue quand même, je ne sais plus quel abruti d'Hollywood s'est fait sauter le caisson comme ça il y a quelques années). Judy (la très jolie Claudia Jennings dont se rappellent tous ceux qui ont vu La Vengeance de la Femme Aux Serpents. Quoi ? Y en a bien un ou deux qui l'ont vu, non ?) passe l'épreuve les doigts dans le nez. Et devinez quoi ? Quand arrive le tour d'Elizabeth, c'est une vrai balle. Boum. Plus de tête, Elizabeth. Et toutes ces dames de hurler d'horreur tandis que s'entame le générique. Quand je dis "plus de tête", n'allez pas imaginer des effets gore, surtout. La chose est classée PG : pas de sang, pas de seins.

Notez si vous le voulez bien l'originalité : la suite de l'histoire se situe sept ans plus tard, moment auquel chacune des cinq survivantes reçoit une carte marquée du sceau des Sisters l'invitant à une petite réunion pour évoquer le bon vieux temps. La carte est accompagnée d'une somme d'argent pour le voyage. En dépit du fait qu'aucune n'admet avoir organisé la chose, elles se rendent toutes au lieu convenu, parce que sinon, eh bien, comme on dit toujours, y aurait pas de film, eh !

Permettez-moi de vous les présenter brièvement. Judy, donc, celle qui a le plus un profil d'héroïne, est une bourgeoise aisée, ambitieuse, mais calme et réfléchie, sur le point d'épouser le fils d'un sénateur.
Claudia, une brune charmante, la dure de la bande, est une prostituée alcoolique (comme quoi l'université mène à tout). Penny, une blonde sans trop de peps, est une adepte du New Age particulièrement pénible quand elle se lance dans une litanie. Diane et Francie sont deux petites nanas à l'air mutin, interchangeables au niveau de la personnalité, mais la première est rousse, la deuxième brune. Voilà, voilà.

Bon, vous connaissez vos classiques aussi bien que moi : la personne qui les a invitées ne peut être que le père, la mère, la soeur ou le chien d'Elizabeth, décidé à venger icelle. Au gros pire le fantôme d'Elizabeth. Jusqu'ici, rien que de très normal.

Arrivée au bar où on leur a donné rendez-vous, nos donzelles sont accueillies par deux hommes, Mark et Joe, qui ont reçu une grosse somme d'argent pour les conduire jusqu'à une grande maison isolée dans le désert, ce qui est bien entendu tout à fait le genre d'endroit où on a envie d'accompagner des inconnus alors qu'on se trouve dans une situation peu claire. Les deux gars, toutefois, ont un peu l'air de branleurs mais pas de psychopathes. Leurs conversations privées nous donnent la certitude qu'ils ne sont pas dans le coup. D'ailleurs, ils ne savent même pas qui les emploie. Ils conduisent bel et bien les filles à la maison en question, puis s'en vont.
Enfin presque, mais j'y reviendrai.
La propriété, autre signe qui donne confiance, est entourée d'une grande clôture électrifiée, probablement pour la protéger des attaques de caribous enragés, en supposant qu'il y en ait dans ce désert américain, ce qui paraît peu probable, et d'ailleurs, pourquoi je parle de ça ? La clôture, notez, n'est pas en activité, mais les portes s'en referment néanmoins derrière Mark et Joe quand ils repartent (presque). Bon, c'est une superbe villa, avec piscine, champagne à gogo, petits fours, etc... mais pas un chat, même à ressorts. Depuis un petit moment, y a Penny, l'allumée du yoga, qui n'arrête pas de dire que tout ça n'est pas normal, qu'elles sont en danger, etc..., ce qui prouve qu'on peut être allumé sans être totalement abruti. Judy, sans céder au même affolement, manifeste une vague inquiétude. Les trois autres se croient en colonies de vacances. Tandis qu'elles visitent la maison, on nous en montre un occupant inconnu, d'abord seulement les yeux, puis entier mais de dos, puis très vite sans plus nous le cacher : c'est un homme d'un certain âge, ce qui laisse à penser que l'hypothèse du père d'Elizabeth est la bonne.

Mark et Joe, pendant ce temps-là, se disent que ces jeunes femmes sont ma foi fort sympathiques et qu'ils feraient bien la fête avec elles, tiens. Donc ils y retournent. Les portes sont fermées, il y a une pancarte qui prévient que la clôture est électrifiée, mais comme elle n'est pas active (ainsi qu'en témoigne un gros voyant rouge censé clignoter quand elle l'est), ils l'enjambent, rejoignent les beautés et, malgré un accueil assez froid de Claudia qui sent les dragueurs en chasse, font tout de même la fête avec elles toute la nuit. Mark est très attiré par Judy, Joe par Diane, mais personne ne couche avec personne, puisqu'on vous dit que le film est classé PG. Et c'est ce moment-là que choisit notre meurtrier présumé pour mettre le courant dans sa putain de clôture. Alors même que, on le verra plus tard, il est plutôt contrarié de la présence des deux hommes, il ne pense pas à mettre le courant dès qu'ils sont partis la première fois. Non, je dis que ce film n'est pas si mal, on va voir pourquoi, mais il contient quand même un certain nombre d'ingrédients nanarifères, on ne saurait le nier. Tiens, un autre, tout de suite : on nous montre sans cesse Papa en train de fabriquer des balles. C'est vrai, il n'a sans doute pas eu le temps d'en fabriquer durant sept ans, il est bien obligé de le faire au dernier moment, cet homme, faut le comprendre.

Le lendemain, la merde frappe le ventilateur, comme on lit dans les mauvaises traductions : le meurtrier présumé, toujours lui, descend tranquillement l'escalier (il se réfugie au grenier, où personne ne songera jamais à aller le chercher) et se présente à ses victimes potentielles. Je suis, dit-il, le père d'Elizabeth. Oh, putain, la surprise ! Vache ! Cela dit, vu qu'on ne cherche pas à nous le cacher, c'est sans doute qu'on ne nous prend tout de même pas totalement pour des cons. Un bon point.

Alors, explications : la mort d'Elizabeth n'était pas un accident. L'une des cinq autres a bel et bien mis une vraie balle à la place de la fausse. Et comment il le sait ? Parce qu'une autre l'a vue faire et le lui a répété, na. Ah, ah ? Splendide, non ? Papa déclare donc qu'il veut tuer la meurtrière, celle-là et seulement celle-là. Et puis il retourne se planquer dans le grenier, où personne, jamais, etc...

Là, y a Penny qui pète un plomb et qui va brailler "om mani padme om" ou des trucs équivalents d'un ton suraigu dans le parc de la villa. C'est tellement chiant qu'on est pas mal soulagé quand un garrot s'enroule autour de son cou par derrière et que couic !

Bon, l'ambiance se tend. La journée s'écoule entre crises de hurlements hystériques, engueulades, terribles soupçons et vagues tentatives de réflexion pour sortir de ce mauvais pas. "Ce maniaque pourra les atteindre facilement quand il fera nuit", soupire Joe. "Oui, admet Mark. Surtout si elles sont à l'intérieur, et seules." Ah, ah ! Nos héros réfléchissent donc ! Ils vont parquer tout le monde dans la même pièce et prendre des tours de garde. Ben non : en fait, chacun dort dans sa chambre le soir. Pourquoi ? CDLS.

La nuit est mouvementée. Une araignée a été introduite dans la chambre de Claudia. Diane, nerveuse, va rejoindre Francie dans sa chambre avec une paire de ciseaux. Francie, pour lui prouver "qu'elles ne courent aucun danger" (bel optimisme), lui dit que maintenant qu'elle n'est plus seule, elle va faire une chose très bête que seules se permettent les victimes de slasher movies en pareilles circonstances : (tous en choeur) Prendre une douche ! Claudia, pendant ce temps-là, s'est endormie. Nous voyons l'araignée (type mygale) monter sur le lit, lui passer sur la main, arriver sur son ventre. La jeune femme se réveille, hurle et part en courant, ce qui est le plus sûr moyen de se faire morde, si on me demande mon avis, mais pourtant, il ne lui arrive rien. Joe ou Mark, je ne sais plus, chasse l'arachnide du ventre délicat et l'écrase sous son talon (l'arachnide, pas le ventre, mauvais esprits !) Cette petite scène a attiré tout le monde au rez-de-chaussée, sauf Francie qui est toujours sous la douche... et qu'on découvre quelques instants plus tard allongée sur le carreau, une paire de ciseaux plantée entre les omoplates.

Bon, dites, attendez, je m'excuse, mais ça nous fait déjà deux mortes. Il avait pas dit qu'il voulait en tuer une seule, l'autre ? Dont, par ailleurs, on comprend plutôt bien les motivations, et qui n'a pas l'air plus fou que vous ou moi. Ben vous allez rire, mais c'est une finesse de scénario. Si, si.

Alors, après, on voit Papa jouer de la flûte, comme (nous apprend-on) il le faisait régulièrement sur scène en duo avec sa fille.

Le lendemain, le moral de nos héros ne vole pas haut. Les attirances réciproques entre Judy et Mark d'une part, Diane et Joe d'autre part, se confirment (ce qui semblerait désigner Claudia comme prochaine victime, vu l'ambiance). D'ailleurs, elle disparait, Claudia : "Zut, je me suis tordu la cheville !" ; "C'est pas grave, reste là une minute, on revient" (Une minute plus tard.) "Mais où elle est, Claudia ?" Là, par quelques astuces scénaristiques que je ne révèlerai pas, tant elles sont inédites, les personnages réussissent à tous se séparer. Diane se fait mordre par un crotale dans la remise à outils. Joe est électrocuté par la clôture. Judy, enfin, est assommée par Papa, qui l'emmène dans son sous-sol et la déshabille. Pour la violer ? Mais non ! Faut vous le répéter combien de fois qu'il est classé PG, ce film ? Pour lui passer une des superbes robes diaphanes dont je parlais au début afin de bien la remettre dans l'ambiance de l'université. Judy se réveille attachée à une chaise. Face à elle, Papa, qui l'accuse franchement d'avoir tué sa fille. Se montre alors Claudia, qui était le ver dans le fruit, complice du meurtrier. On le sentait venir depuis un petit moment, faut admettre. Ladite Claudia déclare alors que Papa a menti : elle n'a pas vu la meurtrière, mais tous deux ont décidé de terroriser ces dames jusqu'à ce que la coupable craque et commence à zigouiller les autres pour empêcher le témoin de parler. Ce serait donc notre sympathique Judy qui aurait tué tout le monde ? Voilà ma foi un retournement de situation assez séduisant.
Sur ce, arrive Mark, qui tente de sauver sa belle et se fait assommer. Nous comprenons que si Claudia est si acharnée à la perte de la meurtrière d'Elizabeth, c'est parce que c'était elle qui tenait l'arme, elle qui a innocemment appuyé sur la détente, et que ça a brisé sa vie. Elle avait des soupçons sur Judy, car celle-ci, avant l'initiation, l'avait interrogée pour en connaître tous les détails. Ladite Judy, cependant, se défend. Elle voulait connaître tous les détails, oui, mais parce qu'Elizabeth les lui demandait. Elizabeth s'est suicidée, et cela parce que son père ne la comprenait pas. Boum ! Voilà un nouveau retournement de situation splendide ou je ne m'y connais pas. Belle manière de se suicider, en tout cas, que de foutre en l'air la vie de ses meilleures copines. Toutefois, l'argument ne prend pas : poussé par Claudia, qui accuse Judy d'être une arriviste sans scrupules, Papa sort son Gatlin Gun, le pointe vers Judy et commence à tirer, non sans la prévenir qu'il y a de vraies balles et des fausses (ce qui, au stade où on en est, me semble être un raffinement un brin inutile, sinon pour entretenir artificiellement un vague suspense.) Là dessus, Mark refait surface, bouscule Papa, bouscule Claudia, délivre Judy et l'entraîne vers la sortie, poussant la présence d'esprit jusqu'à se munir d'un baril de produits chimiques qui lui permettra de faire sauter la clôture électrique en le jetant dessus (admettons...). Papa tirant toujours dans tous les sens, il finit par descendre Claudia, avant de se faire lui-même descendre par une Judy ayant récupéré le pistolet de son ex-conseur.

Et paf ! Voilà nos deux tourteraux sauvés, prêts à partir vers le soleil couchant, la main dans la main et la... oui, bon.

Sauf que, troisième retournement de situation : Judy se pare d'un grand sourire démoniaque, avoue être la meurtrière et descend Mark. Fin du film.

Bon... Y a deux ou trois trucs qui tiennent pas trop, quand même. Que Judy ait étranglé Penny et poignardé Francie, soit. Par contre, ce n'est pas elle qui a emmené le crotale qui tue Diane. Doit-on en conclure que ce dernier était là fortuitement ? De même que l'araignée parfaitement inoffensive qui effraie Claudia ? Ça fait beaucoup de bestioles plus ou moins venimeuses fortuites, quand même.

Ce film, disais-je, possède une réputation déplorable. Force est de reconnaître qu'il la mérite en partie : l'histoire ne tient pas franchement debout, un nombre certain de péripéties sont assez peu crédibles, et les clichés du genre abondent. (Et en plus, si je ne l'ai déjà mentionné, il est classé PG). Mais toutefois... toutefois, il se regarde sans ennui grâce à un rythme efficace qui masque les incohérences sur le moment. Au moins quatre actrices sur cinq sont vachement mignonnes. Et puis j'ai bien aimé tous les retournements de situation finaux. Voilà. Nanar indéniable mais quand même vaguement regardable au premier degré.

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