Sacrifices

Genre : on a tué Maya la belle !

Fiche technique

Revue : Philippe Heurtel

La jaquette nous promet des " scènes insoutenables ", et nous dit que ce film, le premier de S.P. Somtow, est " un début pour le moins terrifiant " : d'une certaine manière elle ne ment pas. Elle nous apprend également que des êtres humains étaient sacrifiés il y a des " millions " d'années. Là, par contre, je suis pas sûr qu'elle nous dise la vérité. Mais qu'importe, et passons au film.

Nous faisons connaissance avec Ezechiel O Sullivan, un prêtre fort actif puisque nous le voyons coup sur coup :

Hum... Le saint homme doit bien avoir quelque défaut ? Hé bien oui : il fait des rêves morbides et érotiques, et surtout, il a mis encloque il y a 12 ans de cela la soeur Marie-Thérèse. Petit canaillou, vas.

Les participants du voyage organisé ne sont pas piqués des vers : outre le Père Sullivan et Laurie, il y a le chauffeur, avec une tronche pas possible, Clarice et Wilbur, un couple d'ahuris adepte du New Age, de karma et de vibrations spirituels, Frost, un rigolo tête à claque, Dozois, son amant un peu dandy. Et je vous dis pas la tête du Père Sullivan quand il voit monter dans le bus, qui ça ? Mère Teresa ? Vous y êtes presque, allez, encore un petit effort...

Hé oui, Marie-Thérèse (qui se fait désormais appeler Tessie) et son fils Ivan (" le terrible ", sic : un sale gosse insupportable. Je comprends maintenant pourquoi les prêtres n'ont pas le droit de se reproduire). Au coeurs d'une scène très psychologique, nous apprenons que Tessie a vécu de sales moments après avoir été lourdée du couvent et abandonnée avec son bébé par " Zik ". Quant à Zik, il a perdu la foi (l'avait qu'à faire attention où il met ses affaires) et fait des " rêves bizarres " (moi, j'appelle ça des rêves érotiques).

En route pour Todos Santos et sa fête de la " Mort qui rit " (pourtant y a pas de quoi rire), le bus percute quelque chose en pleine nuit. Coyote, cactus (sic ! Le bus est sorti de la route ou quoi ?) ? Les passages découvrent le corps d'une fillette qui semble avoir été sacrifiée selon un rite aztèque. D'ailleurs, des prêtes emplumés sont présents, mais ils disparaissent, et le corps avec, dans un grand nuage de fumée (peut-être que c'est la machine à faire de la fumée que le bus avait percuté ?). Les touristes croient que cette animation fait partie du programme, ils applaudissent et remontent dans le bus.

Tous arrivent au village mexicain, très exotique et pittoresque (" Le mauvais oil est sur nous, amigo. " Le Grand Prêtre aztèque joue du piano et demande à ses acolytes si " les Dieux ont été nourris ", un peu comme moi je demanderais si le chat a eu sa pâtée ; m'enfin, passons...

Dans la cantina, aussi exotique que celle de Star Wars, Laurie fait connaissance de Cal, l'assistant du responsable des fouilles archéologiques, et elle se confie au bellâtre, qui a une belle tête de vainqueur. Le Père Sullivan, lui, ne chôme pas : une vieille femme lui demande d'exorciser sa fille, qui est possédée. Mais c'était un piège : laissé seule avec la " possédée ", il reconnaît une femme qu'il a vue dans ses rêves, et cette dernière - comme je n'ai pas saisi son nom et qu'elle est fort jolie, nous l 'appellerons " Maya la belle " - échange son coeur avec celui du Père. Le voilà possédé par l'esprit de Outzek, le Dieu de la mort.

Histoire de se faire la main, il décapite Frost, le RTAC, dont la tête vole à l'extérieur et se coince dans un panier de basket (retenez bien ce détail). Scène suivante : un policier, perché en haut d'une échelle, fait un dessin de ladite tête. C'est sans doute une coutume locale, exotique et pittoresque. Or, les flics s'avèrent avoir une tronche de démon, ils bouclent le village et tuent quelques récalcitrants. " C'est pas une fête : tout est vrai ! ", comprend un protagoniste, mais c'est trop tard, il est quand même coincé.

Sur ce, Ivan surprend sa mère en train d'embrasser Zik, car ils s'aiment toujours. " Maman, j'ai vu défiler des profs de fac, des acteurs, des politiciens. Mais un prêtre, là, tu vas trop loin ". Sacrée ex soeur Marie-Thérèse, apparemment tu as bien rattrapé le temps perdu au couvent !

Mais Sullivan, de plus en plus gagné par le côté obscure de la force, kidnappe Ivan pour le sacrifice à venir. Le Grand Prêtre, lui, procède aux sacrifices " préliminaires " et accumule sur un plateau une bonne vingtaine de coeurs (si les Dieux ont un petit creux, ça leur fera un in-cas. Allez, courage, il ne me reste plus qu'un jeu de mot). " Ce travail est épuisant ", dit-il, " mais tellement agréable. "

Je vous préviens, jusqu'à présent le film a été un modèle de rigueur et de cohérence en comparaison du n'importe quoi qui va suivre.

Cal, qui vient de déchiffrer une prophétie aztèque, démasque le Père Sullivan. Ce dernier se déchaîne, arrache quelques bras, mais il est repoussé par les cristaux New Age de Clarice et Wilbur (soupir). Puis, dans les inscriptions aztèques qui sont dessinées sur le mur avec du sang, Cal lit qu'il est question d'une porte et d'un " terrain de jeu ". Laurie, soudain devenue très savante : " Ça ne serait pas en rapport avec cet ancien rite, où ils jouent au basket ball et les perdants sont sacrifiés " (notez bien ce détail). Mais comment ouvrir la " porte " ? Avec les cristaux New Age, car " les Incas connaissaient le pouvoir des cristaux. ", c'est très pratique, non ?

Quelques incantations plus tard, la " porte " est ouverte et notre bande de touristes (je vous rappelle qu'ils sont à la recherche d'Ivan) pénètrent dans une sorte d'Enfer plein de corps, de crânes et de machine à faire de la fumée. Tout cela fait très " train fantôme ", et tous y affrontent leurs peurs secrètes. D'ailleurs, Maya la belle dit au Grand Prêtre qu'ils " ont tous exploré le labyrinthe de leurs cauchemars. "

" Bien ", répond le Grand Prêtre. " Les cauchemars sont un entraînement pour affronter l'horreur de la souffrance éternelle. Le cycle éternel : famines, inondations, massacres, désastres, morts. " (il a oublié dans la liste les films de S.P. Somtow). Pendant ce temps, nos touristes affrontent une bande de zombies (des aztèques hachés ?), et Clarice dit que " Je n'ai jamais imaginé que le New Age puisse être aussi négatif, mais je l'ai choisi et je veux l'affronter. " " Oui ", répond son mari, " et j'admire ton courage. "

Bon, tout le monde arrive sur le lieu du sacrifice, où sont présents le Grand Prêtre, Maya la belle, Sullivan et Ivan. Alors que Sullivan s'apprête à sacrifier Ivan, Cal, qui connaît les pittoresques coutumes locales, défie le Grand Prêtre au " jeu de la mort ". S'engage alors une partie de baskett ball (!) entre les touristes et les zombies (!), tandis que le Grand Prêtre nous balance son laïus sur les indiens qui ont été massacrés par les blancs et qui maintenant se vengent et une nouvelle ère s'annonce.

Je vous l'avais pas dit que ça devenait n'importe quoi? Hein, je vous l' avais pas dit ?

Cal a alors une idée formidable : il faut se rassembler et " former le serpent à plumes ". Et notre Cal de se transformer en, heu, une sorte de gros lézard, un peu comme Godzilla, oui, tandis que le Grand Prêtre se transforme lui aussi en gros mon-monstres, et commence le crêpage de chignons entre animatroniques, et non, ce n'est pas mon récit qui est confus, c'est bien le scénario.

De son côté, Sullivan est redevenu normal (enfin, il est redevenu le prêtre qu'il était avant, quoi). Ivan le repousse, mais " Je ne suis plus un monstre, c'est fini : il faut que tu m'aides ", et fiston se jette dans les bras de Papa. Alors, Godzilla met la pâtée au mon-monstre, faisant voler l' espèce de diadème qu'il portait sur la tête (hein ?). Et pour sauver le monde, il faut jeter ce diadème dans le panier de basket (ha ha ! Maintenant vous comprenez pourquoi je vous ai fait noter tous ces détails relatifs au b asket ? Non ? Heu, remarquez moi non plus je suis pas sûr d'avoir tout capté). Sullivan, qui fut jamais très fort au basket, confie cependant la tâche à son fiston : " Tu y arriveras si tu y mets tout ton coeur. "

Bon, tout le monde s'échappe, tout explose derrière eux, et ils regagnent l' extérieur où la fête bat son plein.

" Regardez ", s'exclame soudain Laurie, " l'hôtel a disparu. " A la place, il y a un site de fouilles archéologiques. Cal, accablé, s'assoit. " Tout cela n'était qu'illusion ? " (hein ?) " Mais nous avons gagné. " " Peut-être que cela fait aussi partie de l'illusion " (quoi ?) " Mais alors, que croire ? Qu'est-ce qui est vrai ? " Et Laurie tombe dans les bras de Cal, Clarice dans ceux de Wilbur, Sullivan dans ceux de Tessie, et il y a un feu d' artifice. " Tout cela est tellement macabre ", dit Tessie en regardant tous ces gens qui célèbrent une fête des morts. " Non, c'est une résurrection. " " Oui, une rédemption. "

Et voilà, le film est fini.

Que dire après avoir sacrifié ce film au dieu Dévédé ? La psychologie vole au raz des cactus, les dialogues sont graves, les scènes oniriques pénibles, les acteurs médiocres. Pour l'anecdote, Somtow, le réalisateur-scénariste, qui par ailleurs joue également le rôle du Grand Prêtre, est écrivain de SF, et on notera dans le casting quelques noms de la SF américaine, tels Forrest Ackerman dans le rôle d'un flic, ou Tim Powers en zombie.

Le scénario ouvre dans la catégorie " N'importe quoi poids lourd ", avec un accessit pour la scène du match de basket contre l'équipe de zombies (avec des répliques comme " Prends lui la balle " ou " Je l'ai ! "), qui m'a laissé la mâchoire pendante.

Enfin, les passagers du bus sont à vous dégoûter des voyages organisés, et tout ce pittoresque exotique à trois balles vous donnent envie de passer vos vacances à Massy Palaiseau.

Retour à la page BIS