Escape velocity

Genre : sitcom spatial

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Serait-ce un nouveau genre : le sous-Phillip J. Roth ? En hommage à ce merveilleux cinéaste dont une des oeuvres a été précédemment chroniquée ici ? Roth, le nouveau phénomène de l'écran ! C'est vrai que ça rend aimable, les cas Roth...

Ca a un titre à la Phillip J. Roth, ça se passe dans l’espace comme dans un Phillip J. Roth, ça n’a pas de budget comme dans un Phillip J. Roth... mais ce n’est pas du Phillip J. Roth ! En fait, on se prend même à regretter que ce ne soit pas du Phillip J. Roth. C’est dire la qualité de l’entreprise... C’est encore plus fauché et mal foutu.

Tout commence dans l’espace, près d’une étoile sur le point de se transformer en supernova. Le Harbinger, une immense base spatiale scientifique (un truc noirâtre, avec excroissance phallique, excessivement moche et mal conçu) gravite pas très loin du plus beau désastre... euh, du plus beau des astres. Elle n’est habitée que par Cal, son commandant (Bergin), Billie, une scientifique (faut quand même qu’il y ait un savant, non ?) et la fille de cette dernière, Ronnie, une jeunette de dix-huit ans qui s’emmerde comme un alien mort dans ce grand machin en ferraille. Il faut préciser que Billie est veuve et fricote avec Cal, ce qui ennuie visiblement fifille. En temps normal, on en aurait strictement rien à foutre, mais malheureusement le reste du “scénario” dépend en partie de cette situation familiale sous tension.

Survient, près de la base, un vaisseau à la dérive. L’épave est interceptée et les sauveteurs n’y trouvent qu’un jeune gars congelé dans un caisson. En passant, la sécurité de ce mode de cryogénisation semble des plus minces, limite congélo chez Picard, ce qui ne donne pas envie de baguenauder dans l’espace. Une fois à bord, le type se réveille et dit s’appeler Lee Nash ; on lui apprend alors qu’il est resté quinze ans au rayon surgelés. Il explique à son tour qu’il n’était qu’un pauvre troufion et que la base spatiale où il se trouvait a été attaquée et détruite, aussi a-t-il été le seul à s’échapper à bord d’un astronef.

En fait, pendant ses explications, le réalisateur nous montre subtilement ce qui s’est réellement passé, grâce à des flash-back en noir et blanc, beaux à couper le souffle d’un asthmatique victime d’une crise aiguë. Il faut particulièrement apprécier le décor extérieur de la “base spatiale”, car on y voit en fait une bête falaise et, au-dessus, ce qui est manifestement un ciel avec des nuages (ou alors l’espace a un drôle d’aspect, dans ce coin-là). D’après les images, Nash allait passer à la chaise électrique quand il a abattu ses gardes avec deux revolvers (oui oui, attaché sur la chaise, il a dégainé et tué tout le monde) et s’est dépêché de quitter la prison, non sans participer au préalable à son explosion, après une mutinerie en règle. Notons au passage la pauvreté des armes futures, qui ressemblent fortement à nos revolvers et armes automatiques actuels.

Nash passe ainsi pour un gentil gars aux yeux de ses trois hôtes. Il parvient même à saboter en loucedé le seul communicateur interspatial du vaisseau (crédible pour un titan pareil), ce que les autres mettent au compte d’une panne – de vraies nouilles.

Seulement, Ronnie, qui n’est jamais sortie avec un garçon et qui en a manifestement marre de nettoyer les toiles d’araignées dans sa petite culotte, trouve Nash fort à son goût et commence à flirter avec lui. Sa mère tente de l’en dissuader, et se fait jeter méchamment, car on lui reproche de ne pas respecter le souvenir du père disparu en s’éprenant du commandant (une vraie sitcom !) Le naufragé, lui, qui a eu la zigounette transformée en esquimau glacé durant une quinzaine d’années, est partant lui aussi, mais pas seulement pour de gentils bécots entre deux portes.

Aussi, après le stade bucco-buccal, Nash essaie d’aller plus loin et veut violer l’allumeuse qui n’est, alors, plus consentante. Cal intervient, mais se fait assommer. A ce moment, oubliant sa libido visiblement à éclipses, Nash prend le contrôle des lieux et va chercher Billie qu’il menace d’une arme. Il force alors les deux femmes à aller chercher des caissons dans le vaisseau qui l’avait amené (difficile de croire qu’il y ait d’autres cryogénisés sans que les sauveteurs ne s’en soient aperçus !) et met un Cal toujours inconscient dans le dit vaisseau, qu’il lâche dans l’espace pour qu’il s’aille s’engloutir dans l’étoile.

Une fois seul avec la mère et la fille, Nash, commandé par sa libido qui est revenue à la charge, entreprend à nouveau de violer Ronnie. Mais Billie se défait de ses liens et blesse l’apprenti violeur, qui s’enfuit dans les coursives. Tandis que Ronnie s’enferme dans le poste de pilotage, sa mère course, un fusil dans les mains, l’invité ingrat qui finit par s’échapper par les conduits d’aération (un grand classique jamais démodé). Nous avons droit par la suite à un bien beau dialogue entre maman et fifille, la première annonçant à la seconde qu’elle allait fouiller dans la soute pour chercher Nash, alors qu’elle venait de voir celui-ci monter dans un conduit se dirigeant vers le haut...

La suite est encore plus passionnante. Nash – on apprend alors qu’il s’appelle Carter, ce dont on se tape – rejoint ses copains décryogénisés, au nombre de cinq, tous patibulaires et tous vêtus d’un justaucorps kaki qui semble remonter à la seconde guerre mondiale. Ils ne restent pas très longtemps cinq, car l’un d’eux traite Nash – Carter de psychopathe et se fait logiquement révolvériser.

D’ailleurs, dans un nouveau flash-back fulgurant de beauté, nous apprenons que Nash / Carter et ses hommes ont massacré des civils qu’ils avaient pour mission de protéger. Quand ce vilain garçon fut attaché sur la chaise électrique, on lui demanda pourquoi il avait fait ça (il était temps de lui poser la question), et il répondit... que l’ennui en était la cause... Givré le gars (même quand il n’est pas congelé) !

Les cinq hommes vont alors se balader dans tous les couloirs à la recherche de Billie. On a droit alors à tous les clichés d’usage, dont l’éternelle balade dans le conduit de ventilation (encore). Le réalisateur ayant apparemment envie d’avoir une scène sous-marine (logique pour une histoire se passant dans un vaisseau spatial), il filme un combat dans une sorte de bassin. Evidemment, Billie vient, un par un, à bout des vilains sbires à coups de flingues ou de couteau (il faut dire qu’avant d’être une scientifique, elle était officier dans l’armée...)

Blessé, acculé, Nash s’échappe encore en sautant dans une cage d’ascenseur et en atterrissant, bien des dizaines de mètres plus bas, sur le toit de l’ascenseur qui descendait (très très vraisemblable...) Est-il écrabouillé ? Non, car il revient encore, increvable, et tient les deux femmes sous la menace de son pistolet. Pour se venger de Billie, il lui tire une balle dans le ventre, et pourchasse Ronnie qu’il arrive à coincer et qu’il tente à nouveau de violer (il a eu une vie sexuelle un peu répétitive, quand même...)

Heureusement, Cal, qui était à la dérive dans l’espace, a eu la bonne idée de bricoler avec quelques tuyaux et d’appuyer sur certains boutons, tant et si bien que son vaisseau a pu rejoindre la base scientifique (MacGyver in space). Il fait irruption au moment où Nash essaie de consommer pour la troisième fois l’acte de chair et, se souciant peu de porter atteinte à la vie sentimentale du garçon, l’amoche méchamment avec une barre de fer.

Comme la supernova est sur le point de tout faire péter, Cal, Ronnie et une Billie finalement pas si gravement blessée que ça montent à bord du petit vaisseau (décidément il est en meilleur état que prévu, celui-là...) et quittent la base qui commence à exploser. Nash, coincé dans une des coursives, a le temps de crier « Vive l’Anarchie ! » avant de cramer avec le reste. Les trois survivants, soulagés, forment maintenant une vraie famille : Ronnie appelle même Cal «Papa» ! C’est-y pas mignon ?

Faire un mélange des «Robinsons de l’espace» et de «Calme blanc», surtout avec un budget minimaliste (faut dire aussi, une coproduction entre le Canada et la République Tchèque !), était-ce vraiment une bonne idée ? Clairement non... La réalisation est statique, les dialogues «familiaux» transforment tout le début du film en une pitoyable sitcom à deux sous. Tous les dialogues, d’ailleurs, sont généralement ineptes, ce qui nous vaut de magnifiques répliques du genre « Il ne nous reste plus que dix minutes !», «Ah ben ça ne fait pas très longtemps !»

Les acteurs s’ennuient (Bergin, qui semble se demander pourquoi sa carrière sombre inéluctablement depuis «Les Nuits avec mon ennemi» dans les séries B fauchées), en font trop (Outerbridge) ou sont horripilants (la fifille, qui soit fait des mimiques énamourées, soit pleurniche atrocement) ; seule Wendy Crewson, dans son rôle de forte femme, tire son épingle du jeu.

Le scénario... Aïe ! Quel tas d’incohérences ! Comment peut-on croire qu’une adolescente va s’enfermer deux ans et des poussières (cosmiques) dans une base en plein espace ! Et si la supernova est supposée péter à un moment ou à un autre, comment n’avoir pas prévu d’éloigner une station scientifique visiblement (enfin, disons plutôt «logiquement») coûteuse au lieu de la laisser être dévorée par les flammes ?

Outre un scénario ultra-convenu, le pire réside peut-être dans la décoration. Les vêtements portés sont contemporains, la palme du mauvais goûts revenants aux tee-shirts kaki des évadés qui semblent venir tout droit des surplus de la seconde guerre mondiale. De même, les armes sont tout aussi actuelles. Comme quoi, quand on a conquis l’espace, on a plus de sous pour faire évoluer les fringues et les armes ! Dans les années 80, même les space-operas produits par Corman faisaient preuve de plus d’originalité...

Et la base spatiale ! Non seulement elle est moche, mais elle est bien trop grande pour trois personnes – et seulement deux scientifiques (dont on se demande bien ce qu’ils font, d’ailleurs, d’ordinaire). Son gigantisme sans raison semble être uniquement justifié par le fait de servir de «terrain de jeu», grâce à ses nombreux couloirs, aux combats qui jalonnent la seconde partie du film.

Donc, autant voir un Phillip J. Roth, c’est tout de même un peu moins minable...

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