La proie du désir

Genre : amours libres

Fiche technique

Revue : Arturo Petrie

Eh ben oui, je l'ai fait. Traînant depuis plusieurs années dans mon étagère, cette PROIE a finalement trouvé son prédateur et a fait son chemin jusqu'à mon magnétoscope pendant le week-end.

Cécilia (Muriel Montossé) est une petite nymphomane mariée à un ambassadeur installé au Portugal. Évidemment, puisqu'on est dans un Franco, elle ne peut rester trop longtemps sans célébrer sa sexualité et un jour, son chauffeur l'offre à ses frères afin qu'ils la violent mais la bougresse y prend plaisir. La première chose qu'elle fait en rentrant chez elle ? Elle court vers son mari (Antonio Mayans) et se fait prendre à nouveau.

Elle lui explique que l'amour libre est merveilleux, car on peut "jouir avec un autre homme, mais le retour dans les bras de l'homme qu'on aime est une chose magnifique". Le couple en folie se met donc à déraper dans une spirale de plaisirs débridés avec une seule règle : interdit de tomber amoureux d'une tierce personne.

Doublée et distribuée par Eurociné, la version de ce film portant le titre LA PROIE DU DÉSIR est supposément un remontage de Claude Plaut (qui utilise pour ses apparitions à l'écran le pseudonyme d'Olivier Mathot). Et le générique de départ confirme cette rumeur, étalant les noms de quelques réguliers d'Eurociné, dont Mathot lui-même. Superviseur à la production : Marius Lesoeur, big boss d'Eurociné à l'époque.

Pourtant, jamais on ne voit apparaître la gueule de Mathot, le film entier est tourné au Portugal et le montage des scènes érotiques est intact, sans inserts. Le seul point douteux est que l'IMDb indique que le film dure 1h38 alors qu'il en dure 1h33 en réalité. Connaissant le manque d'exactitude habituel de ce site, bien utile malgré tout, je passerai outre...

Il s'agirait donc du montage de Franco, ou du moins, si le montage diffère de la version espagnole, d'un film entièrement composé d'images qu'il a lui-même filmées.

Hypnotique et bercé par le calme flot des vagues s'écrasant sur la plage que surplombe la villa de nos tourtereaux, agrémenté d'une langoureuse musique de Daniel White, LA PROIE DU DÉSIR est un plaisir simple, mais ô combien jouissif. Thème cher à Franco, l'amour libre est ici exposé sans fioritures, en toute objectivité, avec ses bons et moins bons côtés.

Les scènes érotiques ne sont pas trop longues, contrairement à certaines de celles tournées ailleurs, dans d'autres productions. Elles ne tombent pas dans la pornographie, et la caméra caresse les corps doucement, sans zooms intempestifs et insistance sur les zones génitales. Le montage sonore est étrangement syncopé, mais c'est peut-être dû au transfer.

La superbe végétation portugaise est ici splendidement mise en valeur, tant autour des propriétés à couper le souffle qui sont utilisées qu'à travers une sorte de motif floral, imagerie obsessive, qui revient fréquemment servir de transition entre les scènes. L'éclosion des fleurs est ici mise en parallèle avec l'éclosion d'une sexualité explosive, chez des personnages aux horizons entrebaîllés qui se lancent dans de multiples orgies des sens.

Montossé est parfaite dans le rôle de l'épouse éprise de liberté sexuelle, tandis que Mayans fait de son mieux pour garder son sérieux. Lina Romay apparaît trop brièvement dans le rôle tout à fait savoureux d'une mère monoparentale ayant développé un numéro de cabaret fort étrange où le baroque flirte avec l'inceste !!

Décidément un très étrange jalon dans l'oeuvre éternellement intriguante de Franco, cette PROIE DU DÉSIR inaugure une phase créative sans précédent pour le maître, qui allait au courant des années '80, pour le compte de sa propre maison de production, tourner ses films les plus personnels et les plus éclatés.

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