Shakma

Genre : mon nez de singe

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Pour changer des escargots géants, des moustiques, des musaraignes surdimensionnées et j'en passe, voici un singe. Je sais bien que ce n'est pas aux vieux singes qu'on apprend à faire des grimaces, mais ici ce serait plutôt le spectateur qui aurait des raisons de grimacer...

SHAKMA

Ben non, «Shakma», ce n’est pas du verlan. Il s’agit du nom d’un babouin particulièrement coriace, héros éponyme du film dû à deux réalisateurs – ce qui est un grand luxe puisqu’on a même pas l’impression qu’il y en ait un seul – nommés Tom Logan et Hugh Parks.

Récemment, les films sur les singes meurtriers n’ont pas donné de chefs-d’oeuvre, mais des séries B agréables, telles «Link» de Richard Franklyn et «Accident de parcours» de George Romero. Cette tradition a été quelque peu bafouée par ce «Shakma» d’une faiblesse insigne. Il faut dire que vouloir marier singe meurtrier et jeu de rôles (je n’invente rien) était un pari on ne peut plus casse-gueule.

Tout commence, dans ce qui ressemble à un hôpital, par une opération chirurgicale au cerveau effectuée par le docteur Sorenson (notre cher vieux Roddy McDowall) : non celle du scénariste, qui a dû pourtant se faire lobotomiser dans sa prime jeunesse, mais d’un babouin nommé Shakma. L’expérience est censée lui ôter toute agressivité. Pas de bol, c’est le contraire qui se produit. Aussi Sorenson décide-t-il de faire piquer le singe, irrécupérable. Exécution ratée, comme on le verra après.

Mais la vivisection n’est pas la seule passion du bon docteur et de ses élèves (oui, car visiblement Roddy est entouré de plein de petits jeunes) : ils adorent également s’adonner au jeu de rôles. Et, justement, l’un des internes, Sam (Atkins), a organisé une séance pour la soirée qui vient, à l’intérieur du bâtiment même de l’hôpital, où leur petit groupe (moins d’une dizaine, pas question de faire exploser le budget du casting) sera tout seul pendant toute la nuit. On comprend donc qu’il s’agit plus d’une école ou d’un labo qu’un véritable hôpital, puisqu’il n’y a pas le moindre malade. Pas la plus petite trace de vigile ou de service de sécurité non plus, ce qui est quand même peu réaliste.

Vous comprenez déjà le truc : nos gentils petits rôlistes, commandés à distance par Sorenson depuis son bureau, vont déambuler à travers la bâtisse déserte pour dénicher des indices et résoudre des énigmes. Oui, mais voilà, ils ne sont pas seuls ? Une autre créature hante les lieux ? Non ? Si ! Je vous le donne en mille ! Shakma ! Comment avez-vous fait pour deviner ?

Et que va-t-il se passer ? Chacun des joueurs va se faire égorger. A force de visiter pièces et couloirs, ils tombent l’un après l’autre sur le babouin qui leur saute au cou, pas franchement par pure affection, et leur arrache un bon morceau de bidoche. Avouons tout de même qu’ils y mettent beaucoup du leur pour se faire massacrer : l’un d’eux, qui était tranquillement enfermé derrière une porte blindée, a la malencontreuse idée de vouloir s’attaquer au singe avec un produit chimique ; plus tard, sa soeur, bien qu’on lui ait dit et répété que son frangin avait été transformé en steak haché, veut quand même le voir et y passe aussi.

Même le héros fait tout ce qu’il peut pour devenir à son tour une victime : dès qu’il trouve le cadavre d’un de ses amis, il n’a rien de plus pressé que de le balader dans ses bras à travers tout l’étage pour se constituer son petit charnier personnel. Quant aux survivants, en général, au lieu de chercher à s’éloigner de l’étage dangereux et à sortir du bâtiment, leur seule règle de conduite semble être de paniquer et de rester à portée du singe.

De toute façon, le reste est à la hauteur de l’intrigue : les cadrages sont mauvais, la réalisation mollassonne et la musique, tout particulièrement, est à fuir. Une musique de suspense télévisé pourri des années soixante-dix, visiblement mal jouée et souffrant d’une bande son semblant déraper toutes les trente secondes ; une pure atrocité. L’interprétation est évidemment au diapason : Atkins, fidèle à sa réputation, est transparent, et pas crédible pour deux sous quand il joue les simili-zombies à la fin où, blessé, il se traîne dans les couloirs. Roddy Mc Dowall. Ah, Roddy ! Il fut un superbe enfant-acteur et un magnifique second rôle comique. Mais pour les rôles tragiques... Quelle catastrophe ! Son maniérisme, ses mimiques outrées ôtent tout réalisme à son personnage.

Non, le meilleur acteur est indubitablement le babouin, qui se donne beaucoup de mal pour constituer la menace mortelle du film. Il faut le voir se ruer sur une porte et trépigner avec conviction, ça renvoie directement Christopher Atkins dans son école de comédie (s’il en a fait une, ce qui est douteux). Il a bien du mérite, notre ami le singe, car le spectateur a franchement du mal à trembler devant un péril coiffé comme Sam Jaffe et orné de protubérantes fesses rouge vermillon. Bon, d’accord, on aurait pu avoir un Mandrill avec sa tronche bariolée style «Killer Klowns from Outer Space», mais faut-il s’en réjouir ?

Je gardais le meilleur pour la fin, ou plutôt je gardais la fin pour le meilleur car elle est précisément tout ce qu’il y a de regardable. Pour deux raisons. D’une part, Atkins, dernier rescapé, se débarrasse du singe d’une façon certes déjà employée par ailleurs mais astucieuse (l’emploi d’un miroir) et, d’autre part, le scénario ne joue aucunement la carte du happy-end puisque le blondinet précité, blessé à mort semble-t-il, finit par s’écrouler en marmonnant «j’ai gagné !»

Deux idées potables ne sauvent certainement pas un long-métrage médiocre sur tous les plans. Ce n’est pas grâce à lui que le babouin détrônera King-Kong sur le trône du plus formidable danger simiesque...

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