Premutos

Genre : choucroute au zombie

Fiche technique

Revue : Marc Madouraud

Bon, d'accord, PREMUTOS ca rime avec FRUTOS. Mais ce n'est pas une confiserie, loin de là. Si vous voulez vous brouiller définitivement avec votre belle-mère, vous mettez discrètement la cassette dans le magnétoscope, à l'heure du pensum dominical. Au moins elle aura enfin quelques raisons de vous traiter de pervers et de dégénéré.

Car PREMUTOS c'est de l'ultra-gore. Un genre qui est le rejeton dépravé des délires, dans les sixties, d'un Hershell Gordon Lewis. C'est à dire très fauché, bourré d'humour noir (c'est l'intérêt) et accumulant les scènes gores comme les bigots enfilent des grains sur leur chapelet (à défaut d'autre chose). On peut dire que Peter Jackson, via "Bad Taste" et surtout "Brain Dead" (quoique moins fauché) lui a donné ses lettres de noblesse.

PREMUTOS est dû à Olaf Ittenbach, un félé d'Allemagne (là-bas ils ne font pas grand chose, mais quand ils s'y mettent... Souvenez-vous des NEKROMANTIK), qui a déjà fait quelques perles dans le genre, dont le sulfureux THE BURNING MOON.

Premutos, si vous l'ignoriez, est le premier ange à avoir été déchu, bien avant Lucifer. Son ambition ? Apporter la mort et la désolation sur la Terre entière, en tentant régulièrement de ressusciter lui-même pour lever des armées de zombies. On a les hobbies qu'on mérite...

Le prologue se déroule vers l'an 1000, en Inde (même les acteurs de la scène ne font guère indiens). On assiste, à un rythme endiablé, à une bataille qui tient plus de la boucherie amateur que de l'efficacité militaire : décapitations, éventrations et mutilations diverses. D'un tas de cadavre, un squelette se relève et la chair commence à se reformer : Premutos renaît ! Mais un fanatique se relève, découpe quatre quidams qui lui barraient la route et embroche le nouveau-né qui éructe : "Je reviendrai" (peut-être en Sanscrit, mais j'ai pas vérifié).

Deuxième intro, plus longue : dans un village d'Allemagne, en 1942. Rudolf, un paysan fruste mais accro à la nécromancie a retrouvé le dernier livre de Prémutos, qui enseigne le secret de la vie, et s'en sert pour tenter de redonner l'existence à des cadavres de villageois tout pourris qu'il déterre dans le cimetière voisin, en leur faisant avaler un infame brouet jaunâtre. Mais, voilà, les ploucs du coin trouvent ses agissements bizarres, et se mettent à le traquer. Par leur propre maladresse, et par la voracité des zombies qui en croquent quelques uns, ils perdent plusieurs de leurs membres (dans tous les sens du terme) mais finissent par buter le nécromancien, dans un grand geyser de sang et autres matières moins avouables. Toutefois Rudolf a enterré soigneusement le fameux bouquin.

De nos jours, dans le même bled, un peu moins bouseux. Mathias (Ittenbach en personne) est un jeune homme qui vit sagement chez sa mère, assez effacée, et son père Walter (ou son beau-père, j'ai pas tout suivi), un beauf obsédé par l'armée et les pétoires en tout genre. Le garçon commence à être la proie d'étranges phénomènes quand il s'évanouit (après s'être cogné dans une voiture pour avoir trop maté une charmante voisine, ou s'être fait broyer les valseuses pendant un match de foot lors d'un tacle rageur de l'avant-centre adverse). Il revit des scènes d'un lointain passé (le Moyen-âge durant la Grande Peste, la bataille de Russie dans les années), où, à la suite d'un carnage, il se transforme en un monstre hideux avant d'être massacré par les gens du coin. Il assiste même à la crucifixion du Christ et à sa résurrection (rien à voir, mais c'est pas grave).

De son côté, Walter, en creusant dans son jardin, a retrouvé le livre de Prémutos et un bocal du brouet ressuscitant. Il donne le tout à Mathias. Ce dernier, à la lecture du grimoire, apprend l'histoire de l'ange déchu qui veut prendre forme humaine pour semer la terreur. A la suite d'un concours de circonstances, Mathias se transforme en Prémutos (sa tête devient un steak haché avec des yeux rouges lumineux) en se faisant "hellraiseriser" par les ressorts et tubulures du canapé où il était assis. Le résultat - pas beau - sort dehors et va ressusciter tous les macchabées du coin.

Pendant ce temps-là, Walter fait une petite réception avec des amis, pour la plupart tous abrutis, sau peut-être la jolie Tanya et le pauvre Hugo, martyrisé par son horrible épouse. Là-dessus, les zombies débarquent, animés (lentement, mais animés quand même) de mauvaises intentions. La femme et la fille de Walter y passent (pas à la casserole, suivez un peu). Les rescapés se réfugient dans l'atelier de Walter, qui lui sert aussi d'armurerie. Là commence alors l'un des plus grands massacres de morts-vivants jamais filmés. Le maître de maison se comporte héroïquement, à coups d'épée, de tronçonneuse et de tout ce qui lui tombent sous la main, mais les dizaines de zombies qui déboulent finissent par le déchiqueter salement.

Restent Hugo et Tanya. Pour sauver la belle dont il est amoureux, Hugo sort... et trouve un char d'assaut (on suppose qu'il s'agissait d'un joujou de Walter) avec lequel il éparpille, à grand renfort de canon et de mitrailleuse, tous les macchabées qui marchent encore. Mais ce n'est pas fini : un corps se recompose à partir du charnier... Prémutos ! Lequel balance de grands éclairs bleuâtres du plus bel effet. Pourtant, un skate qui traînait (il se vautre dessus, l'ange à la gomme) et une grenade opportunément lancée par Hugo ont raison de lui. Beaufs 1, zombies 0 !

Ouf ! C'est beau, c'est grandiose, c'est... gerbant. Si si, y'a pas d'autre mot. Avec un enthousiasme digne de ses prédécesseurs, style le H.G. Lewis précité, l'ami Olaf prend le taureau par les cornes, euh, le zombie par les asticots et nous concocte, à peu de frais, un opéra baroque dédié au sang et à la tripaille.

Evidemment, le côté amateur ressort à chaque scène et le budget n'a pas dû être important, loin de là. Pourtant, en s'entourant de ses copains et de nombreux figurants, Ittenbach a réussi à faire un vrai long-métrage en accumulant des scènes gore d'assez bonne tenue (même si beaucoup d'effets ratent leur coup, sur le nombre le résultat est honorable), et ce sans arrêt (à part la scène christique, totalement non-goresque, et qui fait tache, si l'on peut dire, dans l'ensemble). Il a même fait des efforts scénaristiques, en s'échinant à revenir à différentes époques du passé pour expliquer (assez mal, d'accord) les tentatives de Prémutos de venir foutre le bordel chez les vivants. En outre, l'humour noir est plus que volontaire et omniprésent. Olaf s'octroie d'ailleurs une bonne tranche de caricature sociale en composant une satire assez amusante de l'Allemand moyen et de sa beauferie crasse. Quant à ses gags, ils relèvent du plus pur burlesque, modernisation gore des tartes à la crème et autres coups de pieds au cul des Mack Sennet et autres Harold Lloyd.

Une curiosité, donc. Et qui ne se résume pas : il vaut mieux la voir, pour peu qu'on ait le coeur bien accroché (au moins un morceau de tripaille qui restera en place).

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