Prehistoric Women

Genre : défilé de bikinis sauvages

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Depuis le temps que j'en entendais parler, je l'ai enfin trouvé, et je ne le regrette pas : en dépit de pas mal d'invraisemblances et d'un bon lot de clichés, la chose se regarde sans ennui et même avec un certain plaisir. Dans le cycle préhistorique de la Hammer, celui-là est un peu à part, vu qu'il se déroule au vingtième siècle (!). En fait, il s'agit plutôt de science-fiction/fantasy à la Abraham Merritt.

Ça commence comme un Tarzan, avec de jolies vues de la brousse africaine et plein d'animaux sauvages joliment filmés. David, notre héros, (Michael Latimer) est un valeureux chef de safari. Lors de la première scène, il engueule copieusement un colonel anglais qui vient de blesser une panthère et de la laisser échapper. Tandis que ledit colonel regagne le campement pour y attendre sa fille (notez), David s'enfonce dans la jungle, suivi des dévoués Blacks de service, afin d'achever le pauvre animal. Lequel n'a rien de plus pressé que de se réfugier dans la zone interdite locale, fief des cruels Chsépukois, adorateurs du rhinocéros blanc. Evidemment, les indigènes refusent d'aller plus loin. Evidemment aussi, notre héros, lui, ne se dégonfle pas : quand on a une panthère à achever, on a une panthère à achever. Donc, il achève sa panthère. Et là, je vous le donne en mille... il est capturé par les féroces Machinlas, qui à la surprise générale ne sont pas pygmées et n'ont pas l'air plus cannibales que ça. En revanche, ils parlent anglais comme le prince Charles, ce qui est bien pratique. Après une superbe danse primitive hollywoodienne (avec pleins de danseurs et une seule danseuse, charmante au demeurant) David est conduit devant le chef, agenouillé de force au pied d'une statue de rhinocéros blanc, et on lui annonce qu'il va mourir, parce que quand un Blanc arrive sur le territoire des Komandéjas, il meurt, point final. Et ça restera comme ça tant que la statue du rhino sera là. Alors que plusieurs guerriers Rappelémois s'apprêtent à le percer de leur lance, notre héros touche la corne dudit rhino. Et là, paf ! Toute le monde se fige, à part David (parce que CDLS), et un éclair fend la paroi du temple (je vous ai dit qu'on était dans un temple ?), révélant un paysage... ma foi, à peu près semblable au précédent, sans doute parce que c'est le même.

Que feriez-vous à la place de David ? Vous en profiteriez pour retourner au campement et oublier tout ça ? Oui, moi aussi. Mais lui, comme c'est un héros, il s'avance bravement au sein du monde nouveau qui s'offre à ses yeux ébahis.

Aussitôt ou presque, il tombe sur une mignonne petite blonde qui joue comme un pied (Edina Ronay — ne pas confondre avec Lina Romay) et qui a l'air d'avoir très peur de quelque chose. Elle le mord, il l'assomme. (Il voulait pas, hein ! Il est obligé !) Là-dessus surgit un groupe d'amazones, brunes, celle-là, mais blanches quand même, qui le capturent à nouveau.

Vous allez rire : dans cette tribu-là aussi, on adore le rhino blanc, et on parle anglais aussi, ce qui est de plus en plus pratique. David est donc emmené devant la reine du clan, Kari (Martine Beswick), qui est justement en train de se baigner à poil dans le courant d'une onde pure (mais on voit rien). Immédiatement séduite par son regard de grand fauve, elle lui annonce qu'il sera à elle (destin tout de même plus enviable que celui que lui réservaient les Koikeskiyas. Enfin, je trouve.) Pas de pot, vous l'aurez deviné, lui est tombé amoureux de Saria/Edina Romay.

Bref, on a droit à une nouvelle danse, un rien plus sensuelle que la première, pendant laquelle on se rend compte que les blondes sont les esclaves des brunes. Apparemment, il n'y a que des femmes, dans ce patelin, toutes vêtues de bikinis en peaux de bêtes. Et pas une petite grosse dans le lot : rien que des canons. Le plaisir des yeux y gagne ce que la vraisemblance y perd. Pas d'enfants non plus en vue, même pas des petites filles, ce qui ne laisse pas d'être surprenant et ne sera d'ailleurs jamais expliqué.

Comme Martine a méchamment fait renverser la nourriture des blondes par terre, une des esclaves pousse un coup de gueule. La reine l'empale sur une corne de rhinocéros. Oh, la vilaine.

Après une autre danse des blondasses, vaguement funêbre, (ça danse énormément, dans ce film, sur fond de choeurs a capella, à mi chemin entre le gospel et la variété — c'est très africain, quoi...) Kari/Martine fait venir David dans sa caverne et tente d'abuser de lui, comme on dit. Lui, dégoûté par sa cruauté, la repousse avec indignation (si c'est pas une invraisemblance, ça, refuser de coucher avec Martine Beswick, je ne sais pas ce qu'il vous faut.)

Du coup, pour lui apprendre la vie, elle le fait enfermer AVEC LES HOMMES. Oui, il y en a, dont un vieux qui va apprendre à David la cruelle réalité. Il y a bien longtemps, des hommes blancs sont venus dans ce pays pour y chasser le rhinocéros blanc, tabou parmi les populations locales, qu'ils ont fini par exterminer. Ils en ont cependant construit la statue pour faire croire qu'il existait encore et avoir la paix. Et puis ils ont bâti une civilisation (de quel ordre ? mystère). Si j'ai bien compris, tous étaient blonds. Des bruns sont alors venu demander leur protection, mais ont, à la place, été réduits en esclavage car "ils étaient moins intelligents" (si, si). Cet état de fait s'est prolongé jusqu'à ce qu'une jeune fille brune (Kari, évidemment) s'échappe pour aller révéler aux "Démons" (en fait une tribu noire qui porte des masques de rhino ridicules : on dirait qu'ils ont un nez de Père Noel, sauf qu'il n'est pas orange) qu'il n'y a plus de rhinos. Surmontant leur peur, les Démons ont donc attaqué les Blancs et la situation s'est renversée. Les hommes ont été enfermés dans une caverne où ils dépérissent à vue d'oeil et les blondes réduites en esclavage, tandis que Kari devenait la reine des brunes. Il ne devait pas y avoir d'hommes bruns. En tout cas, il n'en est jamais fait mention — ce qui une nouvelle fois est vachement crédible. Ah oui ! En échange de leur neutralité, les Démons exigent régulièrement qu'on leur remette une nana, laquelle est bien sûr choisie parmi les blondes. On ne la revoit plus jamais. (Ce qui pose à nouveau la question de la reproduction : vu qu'on nous montre à tout péter une vingtaine de blondes, et vu la fréquence des enlèvements, elles devraient être exterminées au bout de quinze jours.) Nous assistons donc à la cérémonie de la "sélection", durant laquelle toutes les blondes se présentent façon défilé de mode devant un des Démons, mais on comprend bien que c'est Kari qui choisit l'élue, désignant chaque fois la plus forte tête du lot. La nana monte sur la statue du rhino, reçoit le salut de toute la tribu, et reste seule avec le Démon. On ne voit pas ce qu'il lui fait (Angleterre, 1966, je rappelle) mais quand il l'empoigne, elle n'a pas l'air d'apprécier.

Bon, vous vous rendez bien compte qu'une situation pareille ne peut pas s'éterniser et que la révolte gronde parmi les blondes. D'autant qu'une légende dit qu'un jour, un étranger viendra qui les libérera. Alors, le rhino blanc revivra, puis l'étranger s'en ira. (Notons que la réduction des blondes en esclavage ne pouvant dater de plus de dix ans, vu l'âge de Martine et celui qu'elle était censée avoir quand elle a appelé les Démons, les légendes se créent vite, dans le patelin.) La petite Edina vient donc trouver David dans sa prison et lui demande, la mort dans l'âme, de céder aux avances de Kari afin de pouvoir la surveiller de près. Nos deux tourtereaux s'avouent leur amour dans une scène d'émotion parfaitement sirupeuse.

Donc, David cède à Kari, qui fait de lui son esclave personnel, ce qui ne semble pas éveiller la jalousie des autres femmes. (On se demande un peu pourquoi : vu qu'elles ne sont apparemment pas lesbiennes et qu'elles laissent leurs hommes pourrir dans un cachot au lieu de les entretenir un minimum, elles doivent pas rigoler tous les jours.) Lors de la fête suivante (on fait beaucoup la fête), c'est Martine qui y va de son petit pas de danse, puis l'action s'accélère : Edina, qui ne supporte pas de voir David avec son ennemie, finalement, révèle bêtement toute la machination. Du coup, notre héros est enchaîné à nouveau avec les autres mecs, et sa dulcinée va constituer le prochain tribut payé aux Démons.

Allez, je résume : David s'échappe et libère ses co-détenus qui tombent sur les brunes à bras raccourcis. La tribu des Démons attaque pour défendre ses alliées, et tout ça dégénère en baston générale, jusqu'à ce qu'apparaisse un vrai rhino blanc (enfin : on nous dit que c'est un vrai, parce qu'il a l'air largement aussi artificiel que la statue, et on voit nettement qu'il est tiré sur des rails), lequel empale la belle Martine sur sa grosse corne. A partir de là, les gentils gagnent la bataille sans problème, vu que tous les autres sont terrorisés. Et c'est la scène bouleversante des adieux.

David : Je ne t'abandonnerai pas.
Edina : La légende dit que l'étranger partira.
David : M'en fous.
Edina : Et puis ton monde n'est pas le mien.
David : Mais je t'aime !
Edina : Et moi, je t'aimerai toute ma vie !

Et elle s'enfuit pleurer au fond de sa caverne. C'est beau comme du Max Pécas. Là dessus, vu qu'il n'a rien de mieux à faire, David retouche la corne de la statue de rhino et se retrouve dans le temple des Tienlervoilas, qui s'apprêtent encore à le percer de leurs lances. Mais, à cet instant précis, la statue du rhino tombe en morceaux, et c'est l'allégresse générale. ("On est libreuhs, la malédiction elle est conjurée-euh !"), ce qui donne lieu à... un petit ballet primitif, ouais, vite fait, sur le pouce. David, désormais héros national, peut enfin regagner le safari, un brin soulagé mais déprimé par son gros chagrin d'amour. Quand il apprend par un de ses compagnons indigènes, un peu moins péteux que les autres, l'ayant suivi jusqu'au temple, qu'il n'est resté qu'un instant à l'intérieur, il se demande franchement s'il n'a pas rêvé. Le collier d'esclavage d'Edina, cependant, qu'il a conservé, lui prouve le contraire. Epilogue : (téléphoné depuis la première scène) La fille du colonel arrive, et ô surprise, c'est Edina. David et elle se contentent de se serrer la main, mais vu comment ils se regardent, on sent qu'ils n'en resteront pas là très longtemps. FIN.

Crétin mais rythmé et bien filmé, avec une profusion de jolies filles en petite tenue (mais toujours décentes), ce film est un nanar de choc, qu'on appréciera d'autant plus qu'on aime les danses primitives à la sauce blanche. Martine Beswick, la seule actrice vraiment compétente du lot, qui faisait déjà la méchante face à Raquel Welch dans "One Million Years BC", aura cependant plus tard des rôles un rien plus inoubliables.

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