Family House Pension de Famille

Genre :  gant tueur

Fiche technique

Revue : Michel Pagel

Je ne sais pas qui a eu l'idée d'appeler ça "Family House", mais il n'était pas traducteur. Si ça se trouve, un traducteur est passé derrière, a barré et marqué "Pension de Famille". Et puis à l'arrivée, dans le doute, l'imprimeur a laissé les deux. Ceci pour vous donner une idée du sérieux de l'entreprise.

Bon, à part ça, ça date de 82, c'est signé John Wintergate, et la jaquette de la cassette vidéo fait nettement penser à un bon vieux slasher des familles (donc).

Deuxième signe d'alarme : Avant même le générique, on nous signale que ce film a été tourné en HORROVISION. Oui, m'sieurs-dames. On ne nous avait plus fait ce coup-là depuis "The Beast must Die". Le gimmick stupide. Une voix, qui ressemble furieusement à celle de l'ami Dionnet mais je ne crois pas que ce soit lui néanmoins, nous annonce sur un ton pénétré qu'afin d'épargner des poursuites aux distributeurs de la vidéo (notez qu'on ne nous parle pas des patrons de salles de cinéma), les personnes sensibles sont priées de s'écarter du poste dès qu'une main gantée de noir apparaîtra à l'écran ou qu'on entendra le son suivant : "Dzouingggg !" (en gros).

Ça, c'est l'idée fabuleuse, les enfants. Parce que, comme dans tout bon film reposant sur l'élimination méthodique de sa distribution qui se respecte, il y a des fausses alertes, des guignols qui jouent à se faire peur, etc... Seulement comme on n'a pas vu la main gantée ni entendu le Dzouing, on n'y croit pas une seconde. C'est très con.

Mais je vous rassure, l'Horrorvision ne consiste pas seulement en ça. Non non non. Elle permet aussi un nombre carrément effarant d'effets spéciaux à trois balles. Et quand je dis à trois balles, je pèse mes mots. N'importe lequel d'entre nous qui ne sait pas se servir d'une caméra arrive à les reproduire après trois jours d'entraînement.

Bon, deux mots du scénario. Après un générique sur fond de musique électronique, avec une "chanteuse" qui émet des plaintes à mi chemin entre le cri d'horreur et le gémissement d'extase (juste à mi-chemin, c'est pas facile, essayez), pas désagréables à l'oreille d'ailleurs, on a droit aux caractères d'ordinateur qui s'affichent avec des bips. Dans son Encyclo, Michael Wheldon les décrit comme difficilement lisibles, ce qui laisse à supposer que le texte n'est pas répété par une voix-off dans l'original. La vf supplée heureusement à ce manque, si bien que nous apprenons qu'un jour, un Prix Nobel et sa femme ont été retrouvés morts et mutilés dans leur maison. Le témoignage de leur petite fille, Debra, a permis de conclure à un double-suicide. Debra a par la suite été internée. La maison, elle, a été rachetée, mais les nouveaux propriétaires sont morts accidentellement (On nous montre les accidents en question, ce qui nous permet (Dzouing!) d'apercevoir pour la première fois la fameuse main gantée : le monsieur semble avoir été poussé et noyé dans sa piscine par une force invisible irrésistible. Quant à la dame, elle est réduite en viande hachée par le broyeur de son évier qu'elle est en train de nettoyer. Enfin, on ne nous montre que sa main en train de se faire broyer, mais vu qu'ensuite, on nous dit qu'elle est morte, je suppose que le reste y est passé aussi.). La maison est encore revendue, et paf ! re-mort accidentelle du proprio, dont débarque alors le neveu, Jim, son légataire universel, notre héros.

Bon, vous allez voir la gueule du héros. Jim est une espèce de blondinet très sportif (pas culturiste mais la catégorie juste en dessous) qui fait de son mieux pour ressembler à Malcolm McDowell dans Caligula, ce qui n'est pas une très bonne idée quand on veut avoir l'air sympathique. Jim est un gars un peu bizarre : par exemple, il écoute des cassettes type relaxation, avec une voix très douce qui lui dit de se détendre, mais dont il se sert pour ses exercices de télékinésie. Et en plus ça marche : il arrive vraiment à déplacer les objets par la force de son esprit. Mais, je vous rassure, à part ça, il n'a pas grand chose du moine thibétain : dès qu'il hérite de la maison, en effet, il passe une petite annonce qui dit : "Si tu as entre 18 et 25 ans, si tu es jolie, sexy et célibataire, je suis prêt à te louer une chambre dans ma pension de famille pour 100$ par mois." Bon, d'accord, c'est pas très cher mais enfin... je sais pas : les filles, vous avez besoin d'un logement et vous voyez une annonce comme ça, vous y allez, vous ?
Et bien dans le film, elles y vont, elles se précipitent même, on refuse du monde. C'est l'invasion des bimbos venues de la sororité d'en-face. Sandy, Cindy, Debbie, Victoria (tiens, pas Vicky ?), etc... On ne sait d'ailleurs pas très bien combien il y en a. Au début, Jim explique à la quatrième à se présenter qu'il ne lui reste plus qu'un placard à lui offrir (elle le prend, c'est pas la question), mais ensuite, on en voit jusqu'à une demi-douzaine. Bon, bref. Au passage, celle qui prend le placard, on a vaguement l'impression que ça va être l'héroïne, parce qu'elle est un peu moins top-model que les autres et qu'elle a l'air d'avoir des goûts simples et d'être pure et vierge, ce qui est un gage indéniable de survie dans les films d'horreur. Mais non, que dalle, son personnage n'aura aucune importance par la suite. D'ailleurs, dans l'ensemble, les filles ne sont que des silhouettes (harmonieuses au demeurant) qu'on peut aisément confondre. Seules sont un peu développées Victoria (notre héroïne, en fait), Sandy et Debbie.
Ah, oui, j'ai oublié de vous dire que dans la propriété, il y a aussi un jardinier, ex vétéran du vietnam, complètement pas bien dans sa tête, qui passe son temps à se ballader avec les objets tranchants les plus divers dans le cadre de son travail.

Alors, là, vous vous dites : OK, on a compris, Jim va toutes se les taper une par une, juste avant qu'elles se fassent buter. Ben, pas du tout. Enfin, pas tout à fait. En fait, il ne s'en tape que trois (dont une en rêve) et il n'y en a qu'une qui se fait buter.

Mais n'anticipons pas. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, donc, Jim ne vient pas de se constituer un harem. Il se contente de se faire dorloter et d'avoir tout plein de jolies filles sous les yeux, ce qui est ma foi une faiblesse bien compréhensible, mais il ne les drague même pas. (Elles finiront par venir toutes seules, il faut bien quelques seins à l'air dans le film.) Dès les premiers jours, cependant, cette belle harmonie est gâtée par divers incidents, voire accidents, mais rien de grave pour le moment. Parmi les trucs bizarres, on remarque que Debbie creuse souvent la terre dans le parc, mais elle affirme s'occuper de ses fleurs. Bon, on veut bien la croire.

Alors que ça s'enlise pas mal, le scénariste trouve une idée : un ancien petit ami d'une des filles (Sandy) resurgit. Il s'appelle Richard et il a l'air d'un PDG quadragénaire pas sympa. Quand elle le voit arriver, Sandy se rappelle cette scène horrible durant laquelle il l'a violée. Ensuite, le scénariste change d'avis et on s'aperçoit qu'en fait, il veut l'épouser et qu'elle lui a demandé quinze jours de liberté pour réfléchir. Apparemment, ça fait plus de quinze jours qu'elle est partie, parce qu'il l'a fait rechercher par un détective privé (lequel a fini électrocuté dans la baignoire de la maison, par une vilaine main gantée qui a poussé le sèche-cheveux dans l'eau. Dzouing !).
Du coup, Richard est très mécontent et ça s'engueule fort et il s'en va en disant qu'elle a intérêt à le rejoindre parce que non mais des fois.

Sur ces entrefaits, Victoria découvre les pouvoirs psy de Jim, trouve ça vachement bath et commence à s'exercer aussi à déplacer des trucs par la pensée. Comme elle en veut à Debbie qui lui a fait un coup en vache un peu plus tôt, elle s'arrange pour lui causer de petits désagréments.

Pof ! On arrive sur une plage (?) Jim et Sandy (?) (pourtant avant, il couchait seulement avec Machine, là, je sais plus laquelle) dans le plus simple appareil, se préparent à faire le signe de l'alligator à huit pattes, pour reprendre une des formules favorites de notre bon docteur bis. A ce moment-là, une main gantée apparait (Dzouing !), s'empare d'une pierre, et en assenne un bon coup sur le crâne de Jim. Puis Sandy se met à saigner de partout, à hurler, et elle va se jeter dans la mer.

Et Jim se réveille sans blessure à la tête. C'était un rêve. Hein ? Eh, ça vaut pas ! Remboursez ! Si c'était un rêve, pourquoi on a vu la main et on a entendu dzouing, hein ? Notez que Sandy a disparu quand même, alors c'était peut-être pas un rêve. Merde, alors. Ceci constitue la seule interrogation que suscite le film (en dehors de "Etait-il vraiment nécessaire de le tourner ?", bien sûr).

Sandy a disparu, mais comme on a trouvé un mot de Richard disant qu'il la reprend avec lui (sic), personne ne s'inquiète et la vie continue son petit bonhomme de chemin. Sauf que Victoria commence à avoir tout plein d'hallus et de cauchemars, elle aussi, et qu'on essaie de nous faire croire que la tension monte vachement.

Entre temps, le jardinier se fait zigouiller (Dzouing ! Dzouing !) et Jim se tape Victoria sous la douche (Pas Dzouing ! Pas Dzouing !).

Et enfin, la tragédie explose (ouf) au bout d'une heure et demie, pendant la grande fête qu'organise Jim. La méchante, vous allez rire, c'est Debbie. Allons, vous ne vous souvenez pas ? Debra ! La petite fille des premiers morts, qui avait été internée. Eh ben, vous allez pas le croire, mais c'est elle ! Si ! Complètement cintrée. Apparemment, elle veut récupérer sa maison et elle tue quiconque s'y installe. Comme en plus, elle a des pouvoirs psys, ça se complique. Donc, c'est elle qui a tué tout le monde, soit physiquement, soit en provoquant des hémorragies internes et joyeusetés équivalentes par télékinésie. On a droit à un superbe combat final absolument ridicule, durant lequel Jim et Victoria unissent leurs forces pour lutter contre Debra, qui finit par succomber (sans blagues), et puis la maison brûle.

Et on retrouve l'ordinateur du début, qui nous apprend que le corps de Debra n'a jamais été retrouvé, et que le terrain sur lequel s'élevait la maison vient d'être revendu. Vous me suivez ?

Non, je ne crois pas qu'ils aient tourné la suite prévue.

Parce que franchement :

1) C'est tourné en vidéo. C'est dégueulasse.
2) La mise en scène et les dialogues sont du niveau d'une sitcom américaine moyenne. (D'ailleurs, hommage ou coup de patte ?, le générique de fin nous apprend que Victoria s'appelle Spelling. Tori Spelling. Get it ?) Parfois, il y a des gags qui font sourire, on se croirait presque dans une parodie, mais on se demande toujours s'il s'agit vraiment de comique volontaire. Par exemple, il y a une scène hilarante où une des filles est en train de prendre une douche, voit du sang couler des parois et panique totalement : on a un gros plan de ses seins qui se plaquent rythmiquement contre la paroi vitrée de la cabine, pendant qu'elle pousse des couinements de souris, et l'effet est carrément tordant. Le problème, c'est qu'a priori, il se voulait érotique.
3) Le montage est calamiteux. Vraiment. Tout en fondus au noir hyper-rapides avant que les acteurs aient fini de dire leur texte. Aucun rythme. Un étudiant de première année ferait mieux. (Pas un étudiant en cinéma, spécialement, n'importe quel étudiant).
4) La caractérisation des personnages rappelle un brin Voisin-Voisine, pour ceux qui s'en rappellent.
5) Le jeu des acteurs aussi.
6) Mais c'est encore pire parce qu'il y a un doublage de série télé américaine moderne, avec des voix qui annonent leurs texte et qui sont infoutues de trouver une intonation juste.
7) J'ai déjà dit ce que je pensais des effets spéciaux.
8) Le scénariste nous prend pour des cons.
9) Le fait qu'il ait peut-être raison ne constitue pas une excuse.
10) Euh... ben, je sais pas moi, c'est nul, quoi.

Vivement recommandé pour les longues soirées d'hiver entre nanarophiles confits dans la Poire Williams.

PS : J'ai oublié : vers le début, y a une séquence dans un hopital psychiatrique, dont on ne comprend pas bien ce qu'elle vient foutre là, avant de se rappeler que Debra était internée et que c'est donc la scène où elle s'évade. Là, on voit une infirmière se pendre et un infirmier s'arracher sauvagement les tripes de porc qu'il avait cachées sous sa blouse.
Oui, c'est gore. Non, on n'y croit pas.

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