Un aventurier se tient à une dizaine de mètres d'une tour, et la contemple avec appréhension dans l'air frais du matin. C'est le début de la décade des moissons tardives en Terre de Fangh, et déjà les marmottes font leurs réserves. Le donjon écrase le paysage de son architecture improbable, telle une insulte à la nature. L'aventurier bat la semelle. C'est un humain de stature moyenne, équipé d'une cape et de vêtements permettant de se fondre dans tous les milieux. C'est ce qu'on appelle un Ranger dans les milieux autorisés.

- Et merde ! soliloque-t-il. On se les gèle ici...
Un individu trapu et barbu surgit de derrière un buisson. Il était temps.
- Tiens, voilà quelqu'un ! rajoute le Ranger.
Il observe un moment le guerrier qui claudique dans sa direction, sans paraître le voir, puis s'adresse à lui :
- Salut, tu viens pour l'aventure ?
- Hé ouais ! Je suis le Nain !
Le Ranger cherche ses mots, examine le nouvel arrivant. Celui-là est équipé d'une cotte de mailles, d'un casque et de protections diverses lui permettant sans aucun doute de résister à la plupart des agressions. Il n'est pas grand, mais bien bâti, chevelu et barbu, et armé d'une hache. Finalement, le Ranger commente son analyse :
- Ça se voit.
Le courtaud lève les yeux vers l'édifice de pierres grises et grogne :
- Et ça, c'est le donjon ?
- Effectivement. C'est le donjon de Naheulbeuk ! répond l'autre avec aplomb.
- Il a pas l'air terrible, relance le barbu.
- Faut pas s'y fier, car personne n'en est ressorti !
- Ah bon ?
Le Ranger gratte sa tignasse, et précise :
- Faut dire aussi que personne y est entré...

Des pas, plus légers que la chute des feuilles mortes, ne se font pas entendre, car personne sur le site n'a l'audition suffisante. Une magnifique créature approche alors, et gazouille en direction des aventuriers :
- Bonjour, bonjour !
Il n'est pas difficile de comprendre qu'il s'agit d'une représentante du beau peuple des bois. Elle est mince, élancée, vêtue de vert, et ses cheveux blonds et soyeux renvoient la lumière comme le feraient des fils d'or. Elle porte un arc en bandoulière, et ses grands yeux reflètent l'innocence.

Hélas, sa présence n'est pas tellement au goût du Nain. D'ailleurs la présence du Nain n'est pas tellement de son goût non plus... Ils commencent donc à se chamailler immédiatement, au lieu de s'intéresser à la mission.

S'interposant entre les deux adversaires, le Ranger courroucé en vient à hurler :
- Et voilà, c'est déjà le bordel ! VOS GUEULES !